C’est l’événement de cette fin de saison. Tiger Woods va faire son retour sur les fairways du PGA Tour après 15 mois d’absence. Normalement… Cette fois, un forfait de dernière minute semble improbable. Des millions de fans de golf devraient être rivés devant leurs écrans pour suivre le Hero World Challenge à Nassau, au Bahamas. En France, ce sera aux alentours de 18 heures, ce jeudi, que le Tigre frappera son premier drive en compétition depuis le Wyndham Championship 2015. L’homme aux 14 titres du Grand Chelem a été opéré du dos pendant sa longue absence. Une intervention chirurgicale de plus, qui s’ajoute notamment à quatre opérations au genou, entre autres.
Woods est attendu par beaucoup comme le messie, spécialement aux Etats-Unis. Malgré l’avènement des Américains Jordan Spieth et Dustin Johnson, et les figures populaires que sont Rory McIlroy et Jason Day, le golf se porte mal aux USA. Ils étaient 30 millions de pratiquants en 2005, ils ne sont plus que 25 millions aujourd’hui. La disparition de Tiger des leaderboards depuis deux ans y est pour beaucoup. Incontestablement, il nous manque. Les fans ne sont d’ailleurs pas les seuls à l’attendre. Les joueurs aussi sont curieux de voir ce que ce retour va donner. Mais ils sont les premiers à douter.
Ernie Els : “je pense que TIGER n’a plus le même regard sur lui. Quand vous avez accompli tout ce qu’il a accompli, C’est un choc de ne plus être capable de jouer de la même fa çon Et le regard des autres est dur à encaisser.”
On ne va pas revenir ici en détails sur ce qu’a apporté Tiger Woods au golf. C’est “inquantifiable”, c’est énorme. Il a révolutionné son sport, bien plus que Jack Nicklaus ou les regrettés Arnold Palmer et Severiano Ballesteros. Il l’a rendu populaire auprès des médias et du public. Il a fait exploser les courbes d’audience des télévisions. Il a contribué à enrichir quelques centaines de pros de golf, avec l’inflation des prize moneys.
A titre personnel, il m’a donné envie de jouer, tout simplement. Je fais partie de cette catégorie de golfeur qui s’est levée de son canapé, à 1 heure du matin, quand le Tigre a rentré son chip improbable sur le green du 16 d’Augusta, lors de sa victoire en 2005.
Je fais partie de ceux qui “savaient” que son putt au 72e trou de l’US Open 2008 rentrerait, et qu’il battrait le lendemain le “pauvre” Rocco Mediate en playoff.
Tiger était un joueur d’exception. A l’heure où les bombardiers se multiplient sur le PGA Tour, n’oublions pas que c’est lui qui a apporté le “concept” de la moyenne de drives à plus de 300 mètres. Sa puissance a même conduit certains architectes de parcours à revoir leur copie… Son putting sous pression n’avait pas d’équivalent. Son petit jeu était exceptionnel. Et ne parlons pas de son mental. Un regard suffisait à écraser la résistance de certains adversaires.
Mais aujourd’hui, alors que les médias américains s’excitent sur son come back, je n’y crois plus. Il n’y a pas de cut cette semaine à Nassau et c’est tant mieux. On pourra profiter de lui pendant quatre jours. Il n’y a que 18 joueurs au total, Woods fera donc un top 20. Mais ce serait très, très étonnant de le voir jouer la gagne.
L’homme est têtu, c’est une bête de compétition. Son intermède au poste de vice-capitaine de Ryder Cup a dû lui donner envie de faire son retour encore plus vite. Mais son récent forfait de dernière minute au Safeway Open n’a fait que confirmer ce que je pense : il ne retrouvera plus jamais le niveau pour gagner un tournoi du Grand Chelem. Et son orgueil démesuré n’y changera rien.
Tiger Woods, l’homme blessé
J’y vois deux raisons. La première, tout le monde la connaît, c’est que le corps de Tiger ne répond plus. Le genou et le dos ont été opérés à plusieurs reprises, mais surtout, Woods a joué très (trop) souvent blessé. Et aujourd’hui, le 898e joueur mondial fait bien plus que ses 40 ans (bientôt 41) quand il marche. Alors vous imaginez quand il swingue… Même l’intéressé a reconnu avoir pensé à la retraite.
Oui, ça m’a traversé l’esprit les mois qui ont suivi l’opération du dos. Quand vous êtes incapable de bouger du lit, c’est difficile d’imaginer frapper un drive à 120 miles/heure.
La seconde raison, c’est que l’homme doute. On l’a vu en galère avec son chipping lors de quelques pathétiques apparitions en 2015. C’était triste et tellement humain.
https://www.youtube.com/watch?v=ni_4RGgBb0g
Oui, sa confiance s’est évaporée. Son jeu est à reconstruire, presque complètement. Quant à ses adversaires, cela fait longtemps qu’ils n’ont plus peur de lui… Comment imaginer un type au dos brisé et à la confiance entamée rivaliser avec Rory ou Dustin ? Impossible. Même pour Tiger. Et j’ajouterai qu’il n’est plus le monstre de froideur qu’il a été. Le voir profiter de ses enfants ou faire copain-copain avec ses pairs, c’est très sympa, mais cela montre aussi qu’il est plus sensible que par le passé. Pas sûr que ce soit bon pour son golf.
Si Woods me faisait mentir et remportait un Masters ou un British de plus, ce serait un exploit phénoménal. Certains champions ont bien failli s’imposer à plus de 50 ans à “The Open”. Je pense à Greg Norman en 2008 au Royal Birkdale et bien sûr à Tom Watson à Turnberry en 2009. L’expérience est un atout “majeur” sur les links notamment. Mais si comme moi vous avez plus de 40 ans, vous savez ce que c’est de jouer au golf avec un dos qui grince. Celui de Tiger a dépassé ce stade.