C’est à l’occasion du HNA Open de France 2017 que le blog a pu rencontrer et interviewer Hubert Chesneau, l’architecte du Golf National et de son parcours phare, l’Albatros. Il venait d’accompagner le staff qui prépare le tournoi dès 4h30 tous les matins sous la direction d’Alexandro Reyes.
Pendant 90 minutes, Hubert a évoqué le Golf National, la Ryder Cup mais aussi son métier ou encore sa passion pour le golf. C’est avant tout le récit d’un homme passionnant chargé de plus de 40 ans d’histoires à nous conter sur notre sport préféré que nous avons choisi de vous proposer en 3 parties.
Alors qu’en ce lundi 21 août 2017, le compteur de la Ryder Cup affiche J-400, nous vous proposons le premier volet de cet entretien avec l’histoire du Golf National.
La création d’un stade golf
Comment est née l’idée du Golf National ?
En 1985, alors que l’Open de France se déroulait à Saint Germain, avec Claude-Roger Cartier (président de la FFGolf entre 1981 et 1997 -ndlr), nous avions constaté que les parcours à “l’ancienne”, style Saint Cloud ou Saint Germain, ne seraient bientôt plus adaptés à l’accueil des spectateurs de plus en plus nombreux, surtout si comme nous l’espérions l’Open de France continuait de grandir.
Mon idée de départ était donc de créer un stade de golf. Je souhaitais créer 3 parcours à objectifs complémentaires: un terrain de championnat, un terrain de moyenne gamme et un terrain d’initiation. Je pensais même y construire un bâtiment pour accueillir le siège de la Fédération.
Claude m’a alors encouragé à creuser l’idée et conseillé de chercher un terrain. Je voulais un terrain nu et tout plat pour y créer la topographie nécessaire au stade de golf que j’avais en tête.
Il se trouve que j’avais travaillé sur un projet dans le passé à Saint Quentin en Yvelines (SQY, le regroupement de 7 communes). Les architectes et urbanistes de l’EPASQY (Etablissement Public d’Aménagement de SQY) m’avaient sollicité pour leur dessiner une image de golf qui figurerait sur les plans d’ensemble de la Ville Nouvelle, comme zone verte à protéger des souhaits de construction des Maires.
Je suis retourné voir mes confrères pour savoir ce qu’ils comptaient faire de cette zone verte. Rien n’étant encore dans leurs projets. J’ai donc consulté tous les politiques de la zone (les maires, le responsable de l’EPA, les députés, …) et le projet a rencontré assez vite un consensus.
Le terrain, exploité par des agriculteurs déjà expropriés dans le cadre de l’Aménagement de la Ville Nouvelle, était « libre » et notre Président Cartier soutenu par le Comité de la FFG a obtenu de l’Etat un bail de 99 ans plutôt que l’achat du terrain. En imaginant qu’au bout de 99 ans, si on avait bien fait les choses, tout ne serait pas rasé à son terme. 🙂
Mon souhait était de créer une topographie « pour rien » (la création des buttes étant financée par l’argent reçu d’entrepreneurs qui déposaient la terre issue de chantiers extérieurs), les coûts de création des surfaces spécifiques (modelés, greens, fairways, drainage, arrosage, etc. ) devant être raisonnablement limités.
Donc, ça y est, le terrain est choisi. Maintenant comment cela se passe ?
En 1987, un peu avant le début des travaux de topographie générale j’ai demandé à R. Von Hagge, excellent architecte US, que j’avais connu pendant les travaux des golfs des Bordes et de Seignosse, de bien vouloir m’assister comme consultant lors de l’élaboration des plans définitifs et quelques visites sur le chantier.
J’ai fait plusieurs esquisses (générale et trou par trou) afin d’avoir un vue globale et détaillée du parcours.
La naissance du Golf National…
Quand commencent les travaux du Golf National ?
On a lancé les travaux en Juillet 1987 avec l’apport d’environ 300 camions par jour pendant près de 3 ans (au total 1,8 millions de mètres cube) en retroussant préalablement la terre végétale pour napper ensuite les collines créées.
Il a fallu un contrôle et une organisation permanents qu’avec l’aide precieuse de Pierre Thevenin (un géomètre des Landes passionné de golf et ami -ndlr) nous avons menés en pensant continuellement au modelé final.
Pendant cette période, j’ai passé près de 2 jours par semaine sur le chantier, improvisé un peu en dehors des plans, modelant mouvements de terrain les uns après les autres mais ayant toujours en tête les fairways ou greens à venir.
Comment décides-tu du placement des obstacles sur l’Albatros ?
Je voulais une fin du parcours « chaude » que j’ai appelée « le Tribunal », avec des trous spectaculaires, propres et un peu stressants, de l’eau au milieu et… personne!
Surtout, sur un terrain assez argileux, avec des buttes, je construisais en fait de vraies baignoires en cas de pluie et j’avais donc besoin de maitriser ces eaux pour en utiliser une partie à l’arrosage. Les plans d’eau sont connectés entre eux, le trop plein du 15 et 18 va vers le 1 et 2 où se trouve la station de pompage. Même si ces réseaux ne se voient plus maintenant, ils existent bien.
Concernant le placement des bunkers, c’est plus simple : j’imagine toujours un trou par la façon de le jouer et j’utilise aussi les bunkers pour imposer des lignes de jeu aux joueurs. Ces derniers trouvent cependant très bien leur façon de jouer un trou! 😉
L’autre moyen, ce sont les petits pièges plus insidieux. Sur le trou 6 de l’Albatros par exemple, le trou n’est pas compliqué (348m). Mais le green est vraiment grand, un peu plus bas que la surface du fairway d’où se joue le deuxième coup et j’y ai créé, devant le green, une butte qui cache le pied du drapeau et trompe souvent le joueur inattentif. A une époque, on utilisait même un drapeau dont le mat était un peu plus long que les autres… Beaucoup restaient courts !
Histoire d’aider le parcours à se défendre ?
C’est le côté amusant du travail ! L’architecte et le golfeur, c’est un peu le jeu du chat et la souris. Je dois les chatouiller un peu les amuser, les émoustiller.
Non sans mal !
Et quelques ennuis durant le chantier tout de même ?
Oui, des soucis administratifs, à cause d’une Association qui a combattu notre projet pour y faire passer leur contre-projet d’un axe routier prévu dans le plan général de la Ville Nouvelle. Pendant une longue période (le golf national est situé sur 3 communes -ndlr), ils notaient les camions entrant sur Châteaufort par exemple et moi je devais demander alors aux camions de déverser leurs contenus à Guyancourt. De même, quand elle attaquait à la mairie de Guyancourt, je faisais déverser à Châteaufort ou à Magny les Hameaux… Bref, beaucoup de tracasseries et pas mal de retard!
Finalement, la Présidente de cette association, invitée à l’inauguration a trouvé que ce que nous avions fait était bien beau quand même.
Racontes-nous l’inauguration du Golf National justement.
On avait fixé la date du tournoi d’inauguration – le Ford Classic avec Greg Norman, Ray Floyd, Jeff Sluman et Marc Farry – au 6 et 7 octobre 1990.
En février 1990, on avait donc pris du retard comme expliqué avant. Sur les plans d’origine, entre le 4 et le 5, j’avais prévu une butte, comme pour les autres trous. Donc à cause de ces retards sur Châteaufort et la date d’octobre immuable, j’ai décidé d’installer un grand bunker de sable en attendant de réaliser ensuite la butte prévue, l’année suivante en 1991. Finalement, ce seront les travaux pour la Ryder Cup 2018 qui ont enfin permis que cette butte voit le jour! 🙂
Pour le trou 11, même esprit. Sur mes plans d’origine, l’eau était présente de manière importante devant le green. Malheureusement, on a rencontré des problèmes avec les drains profonds des plaines à blé du Château de Versailles, dont faisait partie notre terrain, drains qui se sont montrés très performants et nous empêchaient de tenir l’eau ! On a donc finit par laisser tomber… jusqu’aux travaux Ryder Cup et la pose d’une bâche de rétention à laquelle nous avions renoncé à l’époque en raison de l’ampleur des travaux sur le parcours ouvert.
Tough but fair! Nick Faldo
Pour l’inauguration, tout s’est bien passé, c’était parfait. L’année d’après, en 1991, l’Albatros du Golf National accueillait le 1er open de France.
Un vrai test…
Oui, c’était pour moi l’occasion de recueillir le ressenti des meilleurs joueurs. Par une triste matinée de Mai, pluvieuse, nous attendions Claude Cartier et moi, la fin du premier tour de Nick Faldo. j’ai demandé à J. Paramore de recueillir ses impressions. Faldo, pas vraiment satisfait de son 71, lâcha: “Tough but fair” (Dur mais juste).
J’ai su à ce moment qu’on avait bien travaillé et j’ai poursuivi alors en disant à Claude qu’il fallait améliorer l’Open de France mais qu’un jour … et avant que je termine ma phrase, Claude me disait aussi: “Oui, la Ryder Cup!”…