Le dénouement du DP World Tour Championship sur la victoire de Jon Rahm et le sacre de Tommy Fleetwood, qui remporte la Race to Dubaï, marquent le clap de fin de la saison 2017 de l’European Tour. Cette année était placée sous le signe de l’innovation avec, entre autres, la création du GolfSixes, World Super 6 mais surtout avec la mise en place des Rolex Series.
Les Rolex Series? Rappel.
Petit retour en arrière… 15 novembre 2016: l’European Tour annonce le lancement des Rolex Series, une série initiale de 7 tournois à forte dotation (7 millions de dollars minimum, environ 6 millions d’euros). L’objectif premier de cette initiative est clair: l’attractivité. Keith Pelley, le patron du circuit, qui les décrit comme « l’une des plus grandes avancées qu’ait connu l’European Tour sur ses 44 années d’existence », veut éviter une fuite des jeunes joueurs européens prometteurs vers le PGA Tour, et par la même occasion faire venir l’élite mondiale pour casser cette image de « deuxième division » dont souffre le Tour. La présentation avait de quoi faire saliver: la crème des talents européens, un partenaire emblématique, la promesse d’un beau spectacle… Malgré un léger scepticisme, la curiosité de voir à quoi tout ça va ressembler l’emporte.
L’Open de France dans le grand bain
Janvier 2017 : c’est la confirmation d’une rumeur qui circulait depuis la présentation des Series. Plus vieil Open d’Europe continentale, nouveau sponsor titre qui promet de lui donner un nouvel élan, l’Albatros parcours hôte de la prochaine Ryder Cup, notre Open national avait déjà de quoi faire un peu parler de lui. C’était sans compter sur son intégration aux Rolex Series, qui en fait désormais l’un des tournois le mieux doté de la saison (hors majeurs et WGC).
2017: 8 tournois, 7 vainqueurs
Maintenant qu’ils sont tous passés, on peut en parler ! Retour sur les performances de ceux qui font désormais partie du cercle des vainqueurs en Rolex Series.
European Tour PGA Championship – Alex NOREN : Retour gagnant.
Soyons honnêtes: celle-là, peu l’avaient vue venir. Prendre un départ à 7 coups de la tête pour finir au 18 avec un eagle gagnant, deux coups au-dessus de son premier poursuivant, ce n’était pas le scénario le plus probable du dernier tour à Wentworth. Sauf que l’on parle d’Alex Noren. Le suédois a fait de ses derniers 18 trous une démonstration pour devenir le premier vainqueur des Rolex Series avec un score de -11.
HNA Open de France – Tommy FLEETWOOD: La forme, ça compte.
Les années passent mais ne se ressemblent pas toujours : Tommy Fleetwood en est la preuve. L’anglais, fort de ses bonnes performances avant d’arriver à Paris, est allé chercher avec sérénité la victoire (-12) au nez et à la barbe de Peter Uihlein, alors qu’il n’avait jamais passé le cut sur nos terres. Ce résultat lui vaudra la première place de la Race to Dubaï.
Dubai Duty Free Irish Open – Jon RAHM: Record battu.
Officiellement membre de l’European Tour depuis le mois de mars dernier, il n’aura pas fallu longtemps à Jon Rahm avant de décrocher son premier titre sur le vieux continent. Auteur d’un début de saison plus qu’impressionnant, l’espagnol a continué sur sa lancée et est passé outre les conditions météo irlandaises pas franchement favorables pour aller s’imposer avec un score de -24, battant au passage le record du tournoi jusqu’ici détenu par Bernhard Langer (-21).
Aberdeen Asset Management Scottish Open – Rafa CABRERA-BELLO: Enfin.
Tout vient à point à qui sait attendre, n’est-ce pas Rafa ? L’espagnol n’avait plus gagné sur le Tour depuis 2012 au Dubaï Desert Classic, et il lui ne lui a rien fallu de moins qu’un superbe 64 le dimanche (-8 , record du parcours) pour forcer un play-off face à Callum Shinkwin qui l’a ramené sur le chemin du succès, avec un total de -13.
Italian Open – Tyrrell HATTON: Back to back!
L’issue de cet Open d’Italie version 2017 a été incertaine jusqu’au bout, on a même failli assister à un play-off à trois. Mais Tyrrell Hatton en a décidé autrement.
Une semaine après avoir conservé son titre à l’Alfred Dunhill Links Championship, le très caractériel anglais avait besoin d’un birdie au 18 pour passer à -21 et l’emporter. Sous l’œil attentif de ses deux collègues Ross Fisher et Kiradech Aphibarnrat, il s’est offert une chance de birdie qu’il a enquillé sans trembler, signant ainsi un troisième succès européen en un an, et une belle place au classement pour la qualification en Ryder Cup.
Turkish Airlines Open – Justin ROSE: Vent de révolte.
On ne prend pas les mêmes, mais on recommence quand même. Un dimanche de combat opposait en dernière partie Nicolas Colsaerts et Justin Rose, tous les deux à égalité à -17 au moment de planter le tee au 18. Voulant sûrement s’éviter le surplus de pression qu’engendre un play-off, l’anglais a rentré le birdie (-18) là où le belge n’a fait « que » par, ce qui lui a permis d’accrocher un deuxième succès d’affilée après le WGC HSBC Champions une semaine plus tôt. La différence avec le doublé d’Hatton s’est opérée au classement de la Race to Dubaï, puisque Rose a relancé la course au titre en allant titiller Fleetwood, leader quasi-intouchable depuis sa victoire en France en juillet, laissant entre eux seulement 134 839 points avec deux tournois à jouer.
Nedbank Golf Challenge – Branden GRACE: A la maison.
Ça n’a pas été facile, voire même pas du tout. La bataille a été rude entre Branden Grace, Scott Jamieson et Victor Dubuisson, les trois hommes de la dernière partie du dimanche, mais à la fin c’est le homie qui l’emporte devant une foule conquise. Vainqueur avec -11 notamment grâce à un magnifique putt rentré au 16, il est à égalité avec Louis Oosthuizen au classement des sud-africains avec le plus de victoires sur l’European Tour (8), juste derrière Ernie Els, Retief Goosen et Charl Schwartzel.
DP World Tour Championship – Jon RAHM: Suspens.
Un novembre à Dubaï, ça sent la fin de saison. Et que dire de celle-ci, qui nous aura tenu en haleine jusqu’au bout ? Les trois hommes qui pouvaient encore prétendre au titre européen sont là, tous les espoirs sont permis et pour Tommy Fleetwood et Justin Rose, cette finale aura été le théâtre de toutes les émotions. Alors que le premier a terminé son dernier tour à +2, le second a voulu aller au bout et s’adjuger du trophée et par la même occasion de la Race. Avec son destin entre ses mains et une fin de saison canon, le champion olympique y a cru, peut-être même un peu trop, et a fini par concéder le bogey de trop. Celui qui le prive d’une troisième victoire de rang. Celui qui laisse un arrière-goût de déjà-vu. Celui qui permet à Jon Rahm d’aller chercher un deuxième tournoi des Rolex Series en un an (-19) et à Tommy Fleetwood de se mettre un peu plus en avant sur la scène européenne.
Petite preuve supplémentaire de la saison très régulière de Tommy Fleetwood (s’il en fallait une): sur les 5 420 530 points qui lui ont permis de devenir le champion de la Race to Dubai, « seuls » 1 589 725 points (moins d’un tiers) ont été remportés lors des 7 tournois des Rolex Series auxquels il a participé, qui sont on le rappelle les plus dotés en points hors majeurs/WGC. Notons aussi qu’à part un cut manqué à Wentworth, Fleetwood sur les Series c’est une victoire, 3 top 10 et 2 top 25.
Et les français dans tout ça ?
Si les Rolex Series ont été pour certains tricolores l’occasion de s’illustrer et de marquer de précieux points, pour d’autres en revanche, l’aventure a été plus compliquée…
Angl. | France | Irlande | Ecosse | Italie | Turquie | Af. Sud |
Dubaï | |
BOURDY | T62 | T57 | T30 | Cut | T30 | T42 | T37 | x |
DUBUISSON | T24 | Cut | Cut | Cut | Abandon | T35 | 3 | T13 |
GROS | 64 | T69 | Cut | T61 | Cut | x | x | x |
HAVRET | Cut | T23 | Cut | T32 | T21 | x | x | x |
HEBERT | T58 | Cut | T8 | T45 | T15 | T56 | T19 | x |
JACQUELIN | Cut | Cut | Cut | Cut | Cut | x | x | x |
LANGASQUE | Cut | T50 | T58 | Cut | x | x | x | x |
LEVY | T51 | T57 | Cut | T26 | T26 | T30 | T37 | T36 |
LORENZO-VERA | Cut | T3 | x | Cut | T10 | T35 | T37 | T13 |
PAVON | Cut | Cut | T42 | 3 | T63 | T20 | T19 | T13 |
PERRIER | x | T66 | Cut | Cut | x | x | x | x |
QUESNE | Cut | T62 | T8 | Cut | T50 | x | x | x |
STAL | Cut | T16 | Cut | T55 | Cut | x | x | x |
STALTER | x | Cut | Cut | Cut | x | x | x | x |
WATTEL | 66 | Cut | Cut | T26 | Cut | T30 | 59 | x |
Tableau récapitulatif des performances des 15 français membres permanents pour la saison 2017.
Quelques chiffres:
- 4 : Sur les 15 français présents sur le Tour, seuls 4 ont disputé la finale à Dubaï.
- 3 : Les meilleures performances sont celles de Mike Lorenzo-Vera en France (T3), Matthieu Pavon en Ecosse (3) et Victor Dubuisson en Afrique du Sud (3).
- 1 : Seul Alex Levy a pris part aux 8 tournois
- 0 : Aucun tricolore n’a pris le départ des 32 tours des Rolex Series.
L’Open de France a permis à d’autres joueurs tricolores (Thomas Linard, Julien Guerrier, Clément Berardo, Clément Sordet, Edouard Dubois) de prendre le départ d’un tournoi des Rolex Series, mais aussi d’y effectuer une belle performance, à l’image d’Adrien Saddier, qui est allé chercher une belle 16ème place devant son public.
Alors… Objectif rempli ?
Les Rolex Series ont permis d’augmenter la dotation de tournois qui faisaient déjà partie des plus prestigieux d’Europe, alors à première vue, c’est difficile à dire.
Si on s’intéresse à l’élite présente lors des Rolex Series…
Joueurs du top 50 (à date) | Joueurs du top 10 (à date) | |
Angleterre | 15 | 2 (Stenson, Rose) |
France | 11 | 1 (Rahm) |
Irlande | 11 | 3 (McIlroy, Matsuyama, Rahm) |
Ecosse | 15 | 3 (McIlroy, Stenson, Fowler) |
Italie | 9 | 2 (Rahm, Garcia) |
Turquie | 7 | 1 (Stenson) |
Afrique du Sud | 11 | 0 |
Dubaï | 15 | 2 (Rahm, Rose) |
… On remarque un pic de présence du top 10 mondial en Irlande et en Ecosse, les deux tournois qui se jouent juste avant The Open! Certains sont venus se préparer sur les links et pourquoi pas en profiter pour essayer de décrocher un bon prize money au passage.
Pour le reste, on retrouve Sergio Garcia ou Justin Rose, qui passent de temps en temps sur le tour européen, et Jon Rahm qui, à force d’enchaîner les résultats, a gravi les échelons du classement mondial. Pour ce qui est d’Henrik Stenson, blessé, il n’a pas pu prendre part aux deux derniers tournois de la saison.
Toutefois aucun américain du Top10 mondial n’a fait le déplacement au Golf National (Ryder Cup en ligne de mire), ou bien sur les links en amont de The Open.
Mais, ne voyons pas le mal partout, une partie du pari est peut-être réussie : les jeunes talents européens sont restés à la maison et ont fait honneur à la volonté d’innovation de Keith Pelley. Matthew Fitzpatrick et Tyrrell Hatton en sont les meilleurs exemples: les deux jeunes anglais ont participé à tous les tournois.
Petite stat pour finir: les 8 tournois ont été remportés par des joueurs qui font aujourd’hui partie du top 30 mondial. Classe internationale ou pas, libre à chacun de se faire son opinion.
En résumé!
Pour une première, la copie est tout à fait acceptable. La capacité de communication de l’European Tour a permis de susciter de l’attente chez les fans, et on a pu assister à un beau spectacle tout au long de l’année.
Petit bémol tout de même: au départ le projet était d’augmenter le nombre de tournois des Rolex Series, mais ne vaudrait-il pas mieux d’abord rendre plus attractifs ceux qui en font déjà partie, ou au moins les laisser devenir partie intégrante du calendrier européen, qui va déjà se trouver chamboulé avec le déplacement du PGA Championship en mai?
De plus, cela signifierait diminuer encore un peu plus le nombre de tournois accessibles aux joueurs qui n’ont pas de grosses catégories, les laissant ainsi se battre pour garder leurs cartes sur des tournois avec des dotations bien moins intéressantes… Creuser un écart déjà trop grand entre l’ensemble des membres du tour n’est pas ce qu’il y a de plus souhaitable, ne serait-ce que pour l’image de celui-ci.
Et puis, il ne faut pas abuser des bonnes choses comme on dit.
En attendant de voir ce que 2018 nous réserve…