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Astrid Vayson de Pradenne : “La victoire, c’est pas le standard !”

Vainqueur du Jabra Ladies Open, Astrid Vayson de Pradenne signe un tournant dans sa carrière syonyme notamment d'une catégorie pleine sur le LET. Interview d'une joueuse authentique et pourtant toujours sans sponsor.

Astrid Vayson de Pradenne a remporté samedi 2 juin dernier le Jabra Ladies Open 2018 sur le parcours de l’Evian Resort. “C’est peut-être un détail pour vous mais pour elle ça veut dire beaucoup“. Non seulement, elle perpétue la tradition d’une française vainqueur du tournoi (la troisième en 3 éditions après Valentine Derrey en 2016 et Isabelle Boineau en 2017), mais surtout elle gagne son ticket pour le prochain Evian Championship, le British Open 2018, et – la belle – cerise sur le gâteau, elle décroche également une catégorie 3 sur le LET qui lui donne accès à tous les tournois du circuit pour cette saison et la suivante. Astrid, “l’atypique” comme la qualifie certains, est avant tout authentique. Interview.

Bonjour Astrid, tout d’abord félicitations ! C’est ta 1ère victoire professionnelle, et tu repars avec le jackpot.

Merci beaucoup ! Oui, c’est énorme ! Dans ma tête, je savais qu’il y avait la qualification pour Evian, je savais qu’il y avait le British en cas de victoire mais j’avais complètement oublié cette catégorie 3 que tu possèdes jusque fin 2019. Finalement, le fait de ne pas avoir perçu totalement l’enjeu, cela m’a sûrement aidée à performer. C’est comme lorsque tu te forces à ne pas regarder les leaderboards pour rester dans ton jeu. On essaie de se tromper soi-même en quelque sorte.

Après 36 trous, tu es à -3 et 3 coups de la leader finlandaise Wikström. Dans quel état d’esprit abordes-tu ce dernier tour ?

Ce sont des sentiments relativement mixtes. Le premier jour, j’étais sans caddie. Pour le second, j’ai un ami sur mon sac mais il ne peut pas rester le lendemain. Je sollicite alors un caddie écossais, Eric Black qui me répond que sa joueuse, bien que n’ayant pas passé le cut, souhaite l’avoir avec elle pour s’entrainer. Je me dis que ce n’est pas grave, ce sera mon chariot électrique et moi comme le jeudi. Mais, en même temps, je sais que ça va être long car je sens qu’il y a quelque chose à jouer.

Est-ce qu’on dort bien dans de tels moments ?

Je passe la nuit à me dire: “mon Dieu si je gagne, je n’ai même pas prévu de robe de gala !” 🙂 En fait, je sens qu’il y a moyen de faire quelque chose. De ma petite expérience, je sais que les gagnants ne sont pas toujours ceux de la dernière partie mais ils viennent de celles juste devant (Astrid était dans l’antépénultième – ndlr). Je me disais : “tu es parfaite, tu es juste en chasse”.

Et pourtant le début de partie est difficile…

Oui, ça commence mal, j’étais tellement crispée. Je rate le fairway au 1, je suis dans le gros rough. Je me mets dans le bunker à gauche mais je sauve le par. Sur le Par3 qui suit, un fer9 enroulé, chip et 2 putts (bogey). Puis ça s’est “débloqué” au 3 (Par), je joue plus libérée (birdie au 4, au 8 puis eagle sur le Par5 du 9).Astrid Vayson de Pradenne par Tristan Jones

Qu’est ce qui a fait la différence cette semaine-là ?

En fait, en ce moment je me sens bien devant la balle. J’ai pourtant été blessée l’automne dernier puis le début de l’hiver et j’ai seulement repris les clubs le 15 janvier. Mais même en mixant kiné (son autre métier -ndlr) et golf, cette année je me sens bien devant la balle donc je suis arrivée à Evian en confiance.

Et cette victoire, elle change tout…

Ça fait 5 ans que je fais les cartes en n’ayant, à chaque fois, obtenu que des cartes partielles, voire très partielles. Avec le calendrier tel qu’il est en ce moment, cela signifiait que je ne jouais quasiment pas. Cette catégorie 3, elle me donne l’accès à tous les tournois à venir du LET. Au-delà des majeurs, cela veut dire le Scottish Open co-sanctionné par le LPGA, l’Open de France qui va se jouer pour la 1re fois au Médoc, l’Estrella en Espagne et probablement un tournoi en Inde plus un ou deux au Moyen-Orient qui devraient perdurer. Ça va être fantastique !

Revenons à tes débuts. Tu commences le golf à 15 ans. Pourquoi ce choix ?

Un pur concours de circonstances. Je jouais au tennis depuis une dizaine d’années, j’étais 5.6 et je me blesse au coude, au point de devoir poser la raquette pendant un an. Pendant cette période un peu trouble, mes parents divorcent et je déménage avec ma maman dans la banlieue Avignonnaise, près du golf de Châteaublanc. Situé juste à côté de l’aéroport, le lieu n’est pas très golfique mais il y a une bonne ambiance et une belle école de golf. Le père d’un ami m’a proposé de venir taper quelques balles et là, cela a été la révélation. Il n’y a pas un air shot et la balle vole tout de suite donc, c’est sûr cela facilite les choses ! 😉

Et pour autant tu privilégies tes études…

Oui, j’ai eu mon bac scientifique à 16 ans mais je choisis de poursuivre dans le droit. A 21 ans, j’obtiens un Masters de droit européen, sauf que je ne suis pas épanouie. J’ai un stage à la commission européenne qui s’ouvre à moi, je me retrouve à Bruxelles et je n’ose pas franchir la porte. Je ressens une nausée terrible à l’idée de cette “vie” qui s’annonce et je me dis qu’il faut vraiment que je fasse autre chose. Je fais un petit pèlerinage sur St Jacques de Compostelle et là, je comprends que j’ai envie d’être soignante. Je suis alors partie faire mes études de kinésithérapie en Angleterre de 2008 à 2011. 

Et le golf dans tout ça ?

J’en étais très loin. Pendant mes études anglaises, j’étais même dans l’équipe universitaire de badminton alors qu’on m’avait sollicité pour le golf. Je faisais aussi du tennis de table, du poker mais pas de golf.

Alors comment en arrives-tu à passer professionnelle ?

Je commence à travailler en kiné, dans des centres de rééducation, en hôpital. Je pars travailler quelques temps à Mayotte et à mon retour, fin 2012, je ne sais pas d’où ça vient, je me mets la tête dans le golf pendant 3 mois. J’avais un handicap autour de 0 et je me dis que je vais aller aux cartes, juste pour voir à quoi ça ressemble. Je passe les qualifications, j’arrive en finale avec zéro palmarès et “seulement” 3 mois d’entraînement. Je me suis dit que ça pouvait valoir le coup de se mettre vraiment dedans et d’écrire une belle histoire.Astrid Vayson de Pradenne - Practice

Plutôt douée tout de même, non ?

C’est ça ! 🙂 Autant tu me mets une guitare dans les mains, tu me demandes de faire deux croches, deux croches noires, je ne vais pas savoir du tout. Mais le golf, je suis en symbiose avec la canne. Souvent on m’a décrite comme “atypique”, peut-être dans le personnage mais aussi dans le swing. Ça s’est un peu amélioré mais c’est vrai que j’avais un swing très particulier. Il y avait une grosse boucle, il y avait beaucoup de sway (glissement des hanches lors du backswing – ndlr) et pourtant la balle était relativement bien contrôlée. Comme dit mon coach, Stéphane Mourgue, heureusement que c’est du golf et pas du patinage artistique ! 

Pour toi, le feeling, ça compte ?

Je trouve qu’il y a des gens qui sont beaucoup bloqués sur la technique, sur les chiffres. J’aime bien ça aussi mais finalement le swing n’est qu’un outil pour la performance. Il y a plein d’autres facteurs qui feront que tu seras performant. Je vois beaucoup d’amateurs qui s’égarent, en essayant toujours de trouver ce swing parfait. Je suis plus fan de Bagger Vance et du swing authentique : “laisse-le te choisir”. D’ailleurs lors du playoff face à Karolin Lampert, je sors une balle en draw sans chercher à en faire un. Je regarde le drapeau, les gens, je regarde Evian, je souffle, je place ma face et je joue. C’est un peu comme si la balle a sa propre énergie ! C’est un sport qui me plaît bien pour ça.

[bctt tweet=”Le swing n’est qu’un outil pour la performance. Il y a plein d’autres facteurs qui feront que tu seras performant – Astrid Vayson de Pradenne #interview” username=”leblog_lpbb”]
Quelles ambitions as-tu pour la suite de la saison ?

Avant tout gérer le budget parce que je veux tout jouer. Il va donc falloir emmagasiner les gains sur les tournois et espérer que quelques bonnes âmes se dévouent pour m’aider.

C’est-à-dire ?

Le partenaire que j’avais qui m’accompagnait à hauteur de 3000€ a arrêté cette année car en difficulté économique. J’ai donc beaucoup travaillé en kiné ces premiers mois de 2018. Maintenant avec ces 19000€ et quelques, moins les impôts, la question est comment bien les gérer pour faire toute la saison et, évidemment, comment bien golfer pour faire quelques gains supplémentaires. 

Tu n’as donc aucun accord avec un équipementier ?

Non, je commence d’ailleurs à leur écrire pour savoir s’ils peuvent être intéressés. Je vais être au British, ainsi qu’à Evian qui a une belle visibilité alors je me dis que ça peut les séduire pour m’offrir quelques produits, comme un “tour bag”, ou quelques clubs que je n’ai pas encore.

Tu as quoi dans ton sac d’ailleurs ?

En février 2017, j’ai switché pour prendre les P770 de TaylorMade, j’ai le driver M1 2e version avec un shaft Matrix RUL qui date un peu mais j’adore ce shaft. J’ai un vieux Bois3 Titleist 915 qui est juste fantastique. Ensuite un petit Fer3 Epon en 22° que je traîne dans le sac depuis 4 ans, je pense. Mes wedges sont des Cleveland et je les adore aussi. Enfin, le putter c’est la grande arrivée de l’an dernier : c’est un SeeMore que j’ai commandé et fait faire sur mesure auprès de la marque. Bon ils ne me l’ont pas envoyé “free of charge”, un peu comme tout ce que j’ai dans mon sac en fait ! 🙂Astrid Vayson de Pradenne Putting par Tristan Jones

C’est compliqué sans soutien ?

J’ai beaucoup fait toute seule et la perspective de 2 Majeurs, même sans équipementier, je les fais sans hésitation bien sûr ! Il faut savoir profiter de ces moments-là car, comme me disait Isabelle Boineau, ce sont des moments assez éphémères dans une carrière. On vise tous la victoire mais chaque semaine, on est 136 ou 152 avec cet objectif. Il ne faut pas oublié qu’il y en a 151 qui ne sont pas gagnants… Le standard, c’est pas la victoire ! 

Un message à faire passer ?

A part que j’ai de la place pour des logos sur mes polos et que je serai ravie de représenter au mieux tout partenaire ou mécène lors des prochains tournois. D’ailleurs, si l’aventure les tente, ils peuvent me contacter directement sur Facebook ou sur Instagram. 🙂
Et puis une pensée pour le trio Stephane Mourgue, mon entraîneur depuis le début ou presque, Laurent Jockchies pour le putting qui m’a changé la vie sur ce secteur de jeu et Marion Duvernay avec qui j’ai travaillé juste avant le début de la saison et elle m’a fait énormément de bien.

Je remercie chaleureusement Astrid de sa disponibilité et de la générosité de ses réponses. En lui souhaitant le meilleur dans cette nouvelle aventure parmi l’élite ! 

Photos fournies gracieusement par Astrid Vayson de Pradenne, sauf ‘à la Une’ via Flickr.com

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