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Mon Open de France avec Sergio Garcia

Guillaume, pour LPBB, a suivi du 1er au 72e trou le 1er Open de France de Sergio Garcia. Stratégie, routine, forme du moment, gestion du score du champion espagnol : l'expérience a été enrichissante à plus d'un titre.



La petite balle blanche a suivi du 1er au 72e trou le premier Open de France de Sergio Garcia. Stratégie, routine, forme du moment, gestion du score du champion espagnol : l’expérience a été enrichissante à plus d’un titre.

Quand l’auteur de ces lignes a appris que Sergio Garcia allait enfin venir au Golf National, il a eu du mal à contenir sa joie. Pour des raisons calendaires voire financières, notre joueur préféré avait toujours boudé, jusqu’ici, l’Open de France. La proximité de la Ryder Cup, épreuve à laquelle l’Espagnol a participé huit fois, l’a sans doute convaincu de faire l’effort de venir disputer “notre” Rolex Series.

En retard aux classements de la Ryder Cup, Garcia avait l’occasion de faire coup double en venant à Paris : gagner des points précieux sur les deux tableaux qualificatifs (classements européen et mondial) et montrer au capitaine Thomas Björn son attachement au maillot bleu. Garcia en “Ryder”, c’est 37 matches disputés et 22,5 points obtenus avec notamment 10 partenaires différents en double. Il n’est plus très loin du record de son “ami” Nick Faldo et de ses 25 points… Alors un petit tour au “Natio” en repérage du parcours, ou en conquête de points, s’imposait presque pour le vainqueur du Masters 2017.

Quand les tee times sortent, je découvre que Sergio va jouer jeudi et vendredi avec Alex Noren (le futur vainqueur donc) et Lee Westwood. Content de découvrir le premier, un peu déçu du 3e nom car l’Anglais est en perte de vitesse. Sans doute Bjørn a-t-il demandé à son vice-capitaine d’observer de près l’Espagnol et le Suédois. Avec l’accréditation LPBB en poche, l’objectif est simple : ne pas manquer un seul coup de mon héros golfique.

Ca commence donc jeudi à 13h10. Après avoir cherché en vain Garcia sur le driving range toute la matinée, on finit par le trouver enfin sur le putting green une heure avant son départ. Premiers enseignements : comme aperçu à la télévision lors de ses dernières apparitions (aux Etats-Unis où il a enchaîné quatre cuts manqués de suite puis en Allemagne la semaine précédente), il a bien abandonné son grip pince pour un grip traditionnel, et son co-pilote est désormais son frère Victor. Exit Glen Murray, son caddie historique qui était à ses côtés lors de son triomphe à Augusta.

Premier tee shot sur le tee n1 : après une belle ovation due à son rang, Sergio frappe un long fer légèrement à droite, dans le premier cut. Déjà un fairway manqué. Ce sera le thème de la semaine, ou presque… Par solide puis on arrive au trou n°2. Déjà une gageure. Le vent souffle très fort sur le parcours, à plus de 50km/h parfois. Les scores ont déjà explosé le matin et Eole ne fait que monter en puissance. Garcia à l’honneur. Son fer 4 monte au ciel et une violente bourrasque ralentit la course de la balle. Plein bassin. De la dropping zone, il sera un chouia trop long et concédera un triple bogey. A cet instant, j’ai envie de hurler ma colère. Une si longue attente et le drame dès le deuxième trou…

Mais la suite va être à la hauteur de mes attentes. Malgré un driving erratique, il se bat dans la tempête pour réussir des birdies au trous 3, 6, 9 et 12. Son jeu de fer, souvent venu du rough, est impressionnant. Son petit jeu, chipping et putting, est délicieux. Des bogeys aux 13 (bois 5 dans l’eau) et 17 gâcheront un peu la carte, mais ce +1 total est un premier tour consistant. “Je suis plutôt content, j’ai bien joué car les conditions étaient vraiment très, très difficiles“, commentera Sergio.

Le lendemain, il faut faire un petit sacrifice pour vivre pleinement sa passion : se lever aux aurores pour être sûr de ne pas manquer l’échauffement et le tee time de 8h00 du matin. Ca vaut le coup, Sergio, tout de blanc vêtu, est plus classe que jamais au soleil levant. Mais ça commence mal avec un bois 5 égaré, dans les herbes hautes du trou n°10. Sergio se recentre, son sand wedge se plante à 3 mètres et il sauve le par. Poing serré devant une petite chambrée de passionnés. Ce sera annonciateur d’une nouvelle journée de bataille entre lui et le parcours. Des birdies sur les trous très difficiles du 18 puis du 2 (vengeance de la veille !) effaceront un double bogey au 15.

Un par au trou n°3…

Son bois 5 “pullé” a échoué dans le gros rough. Deux coups pour sortir de ce magma d’herbes hautes. Au total, Sergio rentre au club-house dans le par.

 Le cut est franchi aisément mais il est un peu décroché du leaderboard.

Putt pour le birdie manqué d’un souffle par Sergio au trou n°6, au deuxième tour

J’ai moins bien tapé la balle que la veille, constatera-t-il, mais les départs avancés m’ont aidé à mieux scorer. Ici, quand on s’égare, même sur les par 5 il est difficile de ne pas faire bogey.” Noren, à +3, à dû s’accrocher aux branches des cinq derniers trous pour passer le cut fixé à +4, tandis que Westwood, touché à l’épaule ou peut-être dégoûté par son jeu, a jeté l’éponge à trois trous de la fin…

Samedi, jour de “moving day”, Sergio a opté pour des couleurs plus sombres. Il partage sa partie avec l’Anglais Jordan Smith, 25 ans, un espoir européen. Tandis que Garcia s’est mis donné pour birdie au 1, Smith commet l’irréparable boulette : il attaque deux fois le drapeau du trou n°2, collé à gauche le long de la berlinoise. Quadruple bogey. Recul terrible au classement. L’Espagnol, lui, a joué le milieu du green avec sagesse. Sa gestion du parcours, tout comme son niveau de jeu, va être exceptionnel en ce samedi de rêve.

Garcia fait tout, tout seul comme un grand dans ce tournoi. Son frère se contente de porter le sac et éventuellement de donner un conseil ou deux sur des lignes de pente. Le reste, le “yardage”, les choix de clubs, les lignes à prendre, Garcia fait tout en solo, avec son carnet de parcours. Je surprends au trou n°6 une conversation entre son agent et son épouse Angela Atkins. “Il m’a expliqué récemment que prendre les mesures lui-même le rassure et lui donne confiance sur le coup à jouer“, explique l’agent à Madame Garcia. Et ça fonctionne. Le spectacle est grandiose. Les birdies s’enchaînent.

Le bruit se répand sur le golf National : Garcia est en feu. En ce jour de huitième de finale de la Coupe du monde France-Argentine, le public, un peu maigre, se presse autour de la partie du 19e mondial. 

Huit birdies, aucun bogey, sa carte est immaculée avant le trou 18. Le pire, ou le mieux plutôt, c’est qu’il ne rentre pas de ficelles de dingue. Aidé par l’absence de vent, il plante les drapeaux (ses six premiers birdies sont des “tap-in” ou presque), c’est un régal pour les yeux. Et puis sur le dernier tee shot, il commet sa seule erreur du jour : un hook au bois 5 directement dans l’obstacle d’eau. Après un drop, il sauvera le bogey d’un magistral fer 4 suspendu dans les airs pendant 180m. Le voilà troisième du tournoi à -7.

J’ai très bien joué mais j’ai eu un petit doute sur ce dernier départ, je voulais absolument éviter le rough de droite, je sentais qu’il m’attirait et résultat je suis un peu ‘revenu par-dessus’. C’est aussi simple que ça.

Aussi simple que ça ? Pas tout à fait, si l’on ose le contredire. Après 54 trous, on a pu constater à quel point Sergio avait du mal avec ses mises en jeu, au driver ou au bois 5. Son changement d’équipementier en début de saison (il est passé de Taylor Made à Callaway, un peu contraint et forcé…) a eu un impact sur son jeu, même s’il a gagné assez tôt à Singapour. Garcia se cherche sur son long jeu. Il est passé à côté du Masters (avec ce fameux 13 au trou n°15 lors du premier tour), du Player’s Championship et de l’US Open. La naissance de sa fille Azalea n’est pas la seule explication à ce passage à vide. Je découvre à quel point ces champions doivent être réglés sur leur swing comme des horlogers. Vue la distance de leurs frappes, une erreur de contact ou de rythme peut donner des trajectoires assez folles… L’Espagnol a beau répété sa routine encore et encore (il place sa main gauche sur son épaule droite), ses doutes sont patents quand il empoigne un bois. D’ailleurs, dès qu’il le peut, il opte pour un long fer au départ. Et là, c’est beaucoup mieux.

Le dimanche après-midi, je suis quand même confiant. Son expérience, son envie et sa concentration sans faille vont l’aider à jouer la gagne. Mais dès le trou n°1, la faille va s’ouvrir. Quick hook monstrueux au bois 5. Un murmure de stupeur parcours la foule qui l’a accueilli telle une rock star. Ca pique les yeux, alors que son sublime pantalon rouge laissait espérer une journée flamboyante. Triple bogey pour commencer. Le trophée s’éloigne.

La suite, ce sera une vraie bataille entre Garcia et lui-même. Il sait que la catastrophe le guette à chaque départ. Mais il s’accroche à la pointe de son putter et d’approches magiques. Un fabuleux birdie au 7, avec un fer 6 rase-motte venu du rough qui s’arrête à 4 mètres, le replace en haut du leaderboard (-6).

Birdie au trou n°7 après un coup de fer fabuleux

Mais au 9, nouvelle “cata” : il glisse avec son pied droit et son bois 5 termine dans la pampa. Il faudra 4 minutes et 20 personnes, y compris Angela, pour retrouver la balle. Bogey miraculeux. Au 10, on va toucher au sublime ou au grotesque, c’est selon. Bouillant d’impatience, il empoigne son driver sur ce petit par 4 bourré d’embûches. Que cherche-t-il à faire ? A conjurer le sort ? Placé dans l’axe du départ, je perds la balle des yeux. Elle s’égare 100m à droite du fairway, avant d’échouer près du bunker du 12. In-croya-ble lâcher de pigeon ! Du jamais vu au “Natio” sans doute. Le plus dingue, c’est qu’il va sauver le par. Recentrage venu du rough en aveugle, chip par-dessus le bunker de green, putt de trois mètres en descente. Du ciel, Seve Ballesteros a dû apprécier…

Près du bunker de fairway du 12 après un drive lâcché 100m à droite au 10…

Mais les miracles au golf ne peuvent durer, en tout cas par sur l’Albatros. Bois 5 dans le rough de gauche au 12. Bogey. Bois 5 dans l’eau au 13. Bogey. Les digues cèdent, mais Garcia reste fier dans la tempête. Contrairement à son partenaire Jon Rahm qui balance ses clubs, fracasse les aires de départ avec son driver et pourrit son caddie à qui mieux mieux, Sergio ne bougonne pas comme à son habitude quand il joue mal. Sont-ce les encouragements du public, qui n’a d’yeux que pour lui ? Ou le fait qu’il pense à la Ryder Cup ? Toujours est-il qu’il s’accroche de façon admirable. Des birdies au 14 et au 17 le rapproche même à un coup de leader au club-house, Alex Noren. Tous les autres joueurs craquent de partout. Alors, un birdie au 18 l’emmènerait en play off…

Des problèmes de driving pour Sergio comme ici au trou n°4 du 3e tour

Mais évidemment le tee shot du 18 n’est pas facile à gérer quand on en met un peu partout. Garcia opte pour le driver. Quitte à tout tenter. Mais son pied droit glisse encore. Il atterrit dans un bunker à droite. De là, toucher le green semble impossible avec une lèvre très haute et 160 mètres à voler. Mais notre héros n’est pas là pour défendre une cinquième place. Il tente le tout pour le tout. Le contact avec son fer 8 est correct, mais pas parfait. Splash ! Il lui manque 10 mètres. Le public crie sa déception. Mais moi, je relativise.

 Gagner l’Open de France avec 46,4% de fairways touchés (60e du tournoi, tandis que le vainqueur Noren est 2e de cette stat cruciale avec 69,25%), c’eut été hautement improbable. Cette huitième place, je la prends. Muchas gracias pour le spectacle Sergio. Je me suis régalé. Rendez-vous en septembre…

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