A la lecture du fameux OWGR de ce matin, retour à la normale, si je puis dire : le meilleur Français au classement mondial, le seul dans le Top 100, se nomme Victor Dubuisson (79e). Pour ceux qui suivent le golf distraitement, ce n’est pas une surprise. “Dubush, comme on le surnomme, est le seul joueur de l’Hexagone à avoir un semblant de notoriété hors microcosme. Ses exploits dans les cactus d’Arizona, il y a deux ans, sont passés par là.
Sauf que pour les “suiveurs” du circuit mondial, c’est une petite surprise. Et pour le golf français, c’est une sacrée bonne nouvelle. Victor avait malheureusement disparu des radars depuis plus d’un an, après son deuxième succès plein d’émotions au Turkish Airlines Open. En plein doute, parfois blessé, quelquefois en surpoids, souvent démotivé, le Cannois s’était éloigné des tournois et surtout des leaderboards pour privilégier sa nouvelle passion, la pêche au thon. Sa méforme golfique était telle qu’il avait renoncé à disputer les Jeux olympiques de Rio. Son dernier Tweet, qui date de juillet dernier, en disait long sur son désarroi…
@MartinCoulomb @JulienQuesne @gregbourdy non,pas zirka. Très mauvais forme golfique depuis longtemps,préfère laisser ma place à Julien
— Victor Dubuisson (@Vdubush) July 11, 2016
Le problème pour le golf français, c’est que Mr Dubuisson est irremplaçable. Pendant son “absence”, personne n’a su prendre le relais d’un jeune homme de seulement 26 ans qui a atteint quand même la 17e place mondiale, fin 2014.
Entretemps, Alexander Levy (101e de la hiérarchie cette semaine) a bien signé quelques perfs de haut vol, avec en point d’orgue une victoire au Porsche European Tour en Allemagne, en septembre. Greg Bourdy (123e) s’est distingué avec une 18e place au PGA Championship et a fait frémir les supporters français pendant deux tours et demi, aux Jeux de Rio.
C’est bien mais c’est à peu près tout. Les autres Bleus du Tour Européen méritent bien sûr le plus grand respect. Ils se sont fait une place au soleil dans un sport éminemment concurrentiel. Mais disons le un peu avec un peu de brutalité : les Julien Quesne, Raphaël Jacquelin et autres Romain Wattel ne nous font pas rêver. Greg Havret y est parvenu le temps d’un US Open, à Pebble Beach, mais c’était il y a six ans déjà…
Ryder Cup 2018, la meilleure chance française
Quel Français a réussi à signer un top 10 dans un tournoi du Grand Chelem ces cinq dernières années ? Victor Dubuisson, 7e du PGA Championship et 9e du British Open en 2014. Quel Français a obtenu le meilleur résultat dans un championnats du monde (WGC) ? Encore Victor, 2e du match play en 2014. Quel Français a inscrit le plus de points en Ryder Cup ? À nouveau Victor, avec ses 2,5 points en 3 matchs à Gleneagles.
Quel Français a aujourd’hui le potentiel pour rivaliser avec Rory, Jason, Dustin, Jordan, Henrik ? Victor et uniquement Victor.
Quel Français a les meilleures chances de se qualifier pour la Ryder Cup 2018 ? Victor, toujours lui, sans aucun doute. Et ce même si c’est un intermittent du spectacle.
Dubuisson est pour tout le monde (et peut-être même pour lui-même) une énigme. Il parle peu à la presse, surtout française. Les deux pages que lui a accordées Nice Matin en septembre ont constitué un petit événement.
On sait son passé familial douloureux, mais qu’importe. On sait qu’il est insaisissable, aussi bien pour ses agents, ses sponsors et même pour son entraîneur historique, Benoît Ducoulombier. Ils doivent faire avec. On dit qu’il n’est pas trop fan de practice. Et alors ? C’était le cas de Colin Montgomerie, notamment. On raconte des anecdotes un peu folles sur lui, des clubs oubliés à la veille d’un tournoi au caddie planté à l’autre bout du monde par un forfait de dernière minute. Cela en fait un personnage un peu à part, évidemment.
Mais il y a une certitude avec ce joueur-là. Quand on termine sa saison par une 3e place au Nedbank Challenge et une 4e au DP World Tour Championship à Dubaï, soient deux des plus grands tournois de l’année, alors qu’on n’était presque nulle part les mois précédents, c’est qu’on possède un immense potentiel. Un talent fou. Un frappe de balle unique, ou presque. Des mains en or. Et un gros mental aussi.
Car Victor Dubuisson est sûrement un garçon sensible, capable du meilleur et du pire, de hauts et de bas, mais je n’ai pas le souvenir de l’avoir vu craquer le dernier jour d’un tournoi, quand il est dans le coup. A Dubaï, il était en tête après trois tours. Il n’a pas gagné car le putter a coincé le dimanche. Pourtant, Dubush n’a pas craqué. Quelques “virgules” auraient pu le rendre dingue. Il s’est accroché pour jouer dans le par. D’autres auraient pu envoyer un 78 dans ces conditions. Pas Dubuisson, sorte de Dr Jekill et Mr Hyde du golf. Timide mais ambitieux. Nonchalant mais combatif.
Victor Dubuisson est pour moi le meilleur golfeur français, et de loin. Pour notre plus grand bonheur, il peut revenir demain parmi l’élite, “s’envoyer” un très grand tournoi. Pour notre malheur, il est aussi capable de disparaître à nouveau, de ranger ses clubs dans son garage pour quelques mois. Tant pis. Une chose est sûre : Mr Dubuisson est aujourd’hui indispensable pour égayer nos dimanche après-midi dans le canapé.