Depuis plus de 25 ans Bill Owens a un cheval de bataille: faire du golf un outil éducatif et pédagogique. Au prix d’un investissement sans relâche, il a initié de multiples projets en partenariat avec des écoles, des mairies et des institutions pour utiliser le golf comme vecteur de sensibilisation aux valeurs de la vie et aux plaisirs de ce sport. Une démarche qui méritait évidemment qu’on s’y intéresse sur LPBB.
Qui est Bill Owens, racontez-nous comment le golf est-il venu à vous?
Je m’appelle Bill Owens, je suis Gallois, et j’ai débuté le golf à l’âge de 14-15 ans. Au Pays de Galles, à l’école, c’était plutôt rugby ou football. J’avais d’ailleurs l’intention de devenir footballeur professionnel, comme mon père qui, après-guerre, a joué pour le prestigieux club de Liverpool. Puis il est devenu arbitre en fin de carrière, j’étais alors “le fils de l’arbitre”, donc “privilégié” aux yeux des autres ados. Sur le terrain, je finissais parfois avec le nez cassé et/ou le bras cassé! Un jour, ma mère a trouvé des clubs de golf dans une brocante et a alors décidé de me les acheter. Ça m’a tout de suite plu et, avec beaucoup d’entraînement, je suis devenu d’abord assistant pro de golf dans le sud du Pays de Galles, et beaucoup plus tard, en 1976 je suis devenu professionnel de golf… Cela fait donc 41 ans! (rires)
Avez-vous entamé une carrière de joueur pro ?
Il y avait pas mal de compétitions sur les îles britanniques mais je pense que j’étais beaucoup plus adapté à l’enseignement qu’au jeu en lui-même. J’étais un peu “soft”, pas assez hargneux sur le parcours, toujours en train d’applaudir les balles des autres plutôt que les miennes (rires)! Non, ça n’était pas pour moi, c’était trop dur! A cette époque, on avait tous le même âge, la concurrence était rude, il y avait les Nick Faldo, Ian Woosnam, Sam Torrance, Seve Ballesteros en plus , etc …
Donc vous vous êtes tourné vers l’enseignement ?
A 26 ans, j’ai eu la chance d’obtenir un contrat dans un golf dans le sud de Londres comme pro du club. La clientèle était un peu différente, surtout des jeunes courtiers, “des jeunes aux dents longues”, du monde de la finance que j’ai commencé à initier. Je me suis beaucoup amusé avec eux mais à force de discussions et d’initiations avec eux, ils ont réussi à me convaincre de tenter l’expérience du monde boursier. J’y suis resté 5 ans mais brusquement une maladie de l’oreille interne m’a fait stopper net mes envies de Trader et c’est tout naturellement que je suis revenu dans le monde pro du golf.
Comment êtes-vous arrivé en France?
Il y avait cette compagnie hollandaise qui cherchait un pro pour 6 mois en France, la langue française n’était pas nécessaire, donc j’ai appelé le responsable et, en 15 minutes après l’avoir rencontré, il m’a dit “tu commences dans 2 semaines!”. Je devais encadrer des stages organisés par cette compagnie du nom de GolfTransFrance. J’ai pris ma voiture, mes affaires, ma canne à pêche et mes clubs de golf. J’ai traversé la Manche et j’ai atterri dans la région du Perche en 1991. A la fin de la 1ère année, les gens du club m’ont demandé si cela m’intéressait de rester pour initier les membres. J’ai réfléchi – pas longtemps – en me disant ,en France, on mange mieux, il y a des bons vins donc je suis resté (rires). Cela fait 26 ans! 🙂
Et vous en avez profité pour développer la méthode Triangulaid, expliquez-nous?
J’étais seul sur le practice du golf du Perche (28 – Eure et Loir). Il y avait 3 poteaux électriques devant moi et je m’étais fixé comme objectif de toucher le pylône du milieu. Mais je n’y arrivais pas, un coup à droite, à gauche, au-dessus, bref n’importe où! Petit à petit, j’ai commencé à analyser mon propre geste et j’ai trouvé une solution en “éliminant” le poteau, en concentrant mon regard sur les pylônes de chaque côté. A partir de là, j’ai commencé à faire un geste un peu plus “intérieur > extérieur”, un geste plus que naturel en draw.
Cela a été le déclic?
Exactement! Cela m’a bouleversé d’ailleurs car j’avais en tête le geste parfait! J’ai fait appel à tous mes amis, mes proches et ma famille pour leur dire que j’avais trouvé quelque chose de magique. Il me fallait partager cela avec tout le monde!
La presse, les chaînes de TV et tous les autres médias ont commencé à s’intéresser au geste et à mon projet. De fil en aiguille, je suis allé de plus en plus vers les gens, surtout dans les grandes villes pour essayer d’initier à cette méthode d’enseignement au plus grand nombre de personnes, c’était une nouvelle façon naturelle de jouer!
Avec TRIANGULAID, vous avez donc proposé une approche innovante de l’enseignement du golf, plus de 25 ans après, quel est votre bilan?
Dans l’ensemble, on va dire positif… Mais avec des hauts et des bas. Il y a eu pas mal d’endroits qui ont voulu se lancer dans le golf éducatif mais cela a été très difficile à mettre en place avec des acteurs de la ville. On organisait beaucoup trop de choses ponctuelles, il n’y avait véritablement pas ou peu de moyens de “parrainer” ces sites qu’on a construit. L’idée étant que quelqu’un de la ville prenne la suite au moment où j’étais censé m’effacer pour tenter d’autres expériences ailleurs. Là où je suis désormais installé (Yonne), cela tourne plus facilement. Il y a quasiment 15 à 20 écoles, grâce à leur Mairie respective qui ont maintenant leur propre projet et leur propre parcours. Chaque semaine, les maîtres et maîtresses encadrent seuls l’activité golf. Je prends en charge leur formation, je trouve des clubs, et ça fonctionne bien !
On vous a surnommé le “Golfeur des cités”…
Cela date des années 1997/98 lorsque je travaillais avec les responsables du collège Garcia Lorca (Saint-Denis, 93) où on initiait les jeunes. Cela m’a paru comme une évidence: je ne pouvais amener ces jeunes dans les golfs environnants car cela n’était pas facile d’accès donc on a commencé à jouer sur les terrains de football à proximité. Ensuite comme nous ne pouvions pas “squatter” ces terrains éternellement, on s’est mis à construire un golf à côté de Marville (autre quartier de St-Denis -ndlr) avec les jeunes. Ils se sont beaucoup amusés avec moi et je pense que c’est pour cette raison qu’ils m’ont surnommé le golfeur des cités.
L’expérience s’est-elle prolongée?
Oui parce qu’elle était bonne. Construire des petites structures où ils se sentaient à l’aise, où ils pouvaient jouer à proximité de leur quartier, ça c’était le top pour eux! On a fait la même chose aux Mureaux, à St-Ouen, dans le sud de la France à Vitrolles. Petit à petit, les autres communes environnantes ont commencé à vouloir la même chose. C’était avec un plaisir non dissimulé que j’allais à la rencontre des jeunes de quartiers défavorisés. Cela a été une période de ma vie inoubliable et très riche, très très riche!
En 1999, vous signez une convention avec l’éducation nationale et vous créez L’ADGE (Association pour le Développement du Golf Éducatif), qu’en est-il aujourd’hui?
L’association ADGE a été créée en 1993 et existe toujours, je continue à lancer des projets un peu partout, il y a différentes inspections académiques qui s’intéressent à l’activité et je vais souvent sur place pour former des gens. Ça suit son cours et je dirais qu’on a un gros avantage en cette période très intéressante pour le golf en France avec la venue de la Ryder cup. Le moment est vraiment idéal pour que le golf prenne une vraie place dans la société… A titre personnel, j’espère que le golf éducatif, et ma façon de le présenter, va devenir un élément incontournable pour la FFGolf.
Avec l’achèvement de la construction de la centaine de petites structures golfiques, j’espère que demain on va travailler ensemble. Ils pourraient même récupérer toutes ces petites structures que j’ai construit depuis une vingtaine d’années pour en faire une affiliation! Je pense que ça ça va faire encore plus de bruit, ça pourrait faire bouger le golf, faire surtout parler de golf un peu partout en France !
Pensez-vous que le golf puisse devenir vraiment un sport éducatif à part entière en France?
“Oh, it has to!” Il est impératif que l’on aille dans ce sens, il y a tellement de valeurs dans notre sport, nous sommes dans une période de discussions sur comment éduquer nos jeunes et les futures générations, les rendre plus responsables vis-à-vis de l’environnement. L’activité Golf Éducatif est un outil vraiment très intéressant pour cela. C’est un outil pédagogique et pluridisciplinaire qui intéresse des inspections académiques, l’éducation nationale et même la PGA Europe.
Cela se développe donc ailleurs qu’en France…
Oui, on a maintenant la Grande-Bretagne, l’Espagne et plusieurs autres pays qui s’intéressent sérieusement à mon concept de Golf Éducatif lorsque j’ai pu leur présenter. Demain, avec un peu de chance demain la PGA Europe qui à la responsabilité du développement du golf va utiliser le Golf Éducatif comme point de départ. Ils souhaitent impliquer les jeunes, la société, les communautés dans la construction de leur propre endroit avec une vraie responsabilité environnementale, c’est le meilleur atout pour l’avenir de notre beau sport!
Quels sont vos projets?
Dans la région Creuse-Aquitaine, on vient de lancer quelque chose qui intéresse l’inspection académique Aquitaine. J’ai un soutien non négligeable avec Peugeot “maison mère” qui voit très bien la construction d’un bon nombre de golfs éducatifs dans ce département pour y faire éventuellement un modèle du genre. Donc l’inspection académique est en train de se réunir avec la FFGolf pour que cela prenne place à part entière, en y intégrant l’Education nationale
La Ryder Cup, justement, peut-elle être un facteur déclenchant pour le développement du golf en France?
La billetterie semble avoir été un succès et on parle tout de même de 3ème événement mondial télévisuel le plus regardé après la finale de la Coupe du Monde de football et le 100m. Une compétition regardée par un billion de personnes donc “oui, il ne faut pas rater le coche” (rires) comme on dit en français. Pour l’instant, c’est un peu dommage qu’il n’y ait pas plus de communication autour de l’événement. Il y aura forcément des choses ponctuelles dans les grandes villes et plus particulièrement à Paris mais je pense qu’il est nécessaire maintenant de mettre un grand coup de collier médiatique un peu partout dans l’hexagone. Il y a les moyens, la Ryder Cup, c’est demain! 😉
[bctt tweet=”Mettre maintenant un grand coup de collier médiatique dans l’hexagone – Bill Owens” username=”leblog_lpbb”]Quel message aimeriez-vous faire passer?
J’ai 60 ans bientôt, je me fais un peu moins jeune (rires) et ça fait 26 ans que je fais la promotion du Golf Éducatif. J’aimerais maintenant que cette idée, ce concept soit discuté, soit partagé, que cela prenne un élan plus important parce que, disons-le, c’est assez fatiguant d’aller du nord au sud de l’hexagone. J’ai envie maintenant qu’on travaille main dans la main avec tous les professionnels de golf, toutes les différentes PGA, les Fédérations évidemment parce que c’est leur rôle de prendre le relais.
Alors mon message? Allez-y!! Prenez le bébé! Prenez-le avec beaucoup de soins, s’il vous plaît, et partagez-le avec le plus grand nombre possible parce qu’on a le plus beau jeu du monde! 🙂