Dernier venu dans l’équipe de Golf+, le journaliste Adrien Toubiana a fait “ses classes” dans l’ovalie au sein du groupe Canal. Mais quand on a grandi en regardant les exploits de Tiger Woods, rien d’étonnant dans le fait de rejoindre le monde de la petite balle blanche. Depuis, les émotions s’enchaînent et ça ne fait que commencer. Le cappuccino est commandé, c’est parti pour 45 minutes d’interview.
Auparavant le rugby, aujourd’hui journaliste et commentateur de golf. Pourquoi cette voie ?
J’ai toujours voulu être journaliste de sport. Depuis que je suis tout petit, aussi loin que je m’en souvienne j’ai toujours plus ou moins lu l’Equipe. J’adorais le foot, j’adorais le rugby et j’aimais bien le golf. Je m’y suis mis un peu avec mon père lorsque j’avais 13/14 ans. On y jouait l’été sur la côte basque.
Quel a été ton parcours ?
J’ai choisi Sciences Po pendant 5 ans à Paris parce que c’était une filière assez générale qui pouvait me permettre de faire autre chose et d’avoir des débouchés si je ne devenais finalement pas journaliste. Mais cette envie-là ne m’a jamais quitté. J’ai commencé par des stages pendant Sciences Po : Le Parisien, 1 mois l’été, puis 3/4 mois à l’émission 100% Foot animée par Estelle Denis et Pierre Ménès sur M6. Je suis rentré à Canal+ à la fin de Sciences Po, d’abord en stage mais j’ai commencé au cinéma avant d’enchaîner au sport.
Donc dans le groupe Canal depuis ?
En fait, après quelques mois, je suis parti pendant 3 ans au sein d’une petite chaîne qui se créait sur le câble. Elle s’appelait MCE et s’adressait aux jeunes étudiants. Ils recherchaient une personne pour s’occuper de toute la partie Sport et je dois avouer que cela a été très formateur : j’ai commencé à fabriquer des émissions, être en plateau, caler des invités ou encore tourner avec ma caméra. Après je suis revenu à Canal+ au rugby où j’avais des attaches.
Comment arrives-tu dans l’équipe de Golf+ ?
Depuis 1 an et demi, je faisais des remplacements pour commenter quelques tournois. L’été dernier (2018), Thierry David m’a proposé de rejoindre la rédaction golf à plein temps. J’ai accepté parce que je trouvais l’équipe sympa, et puis avec la Ryder Cup qui approchait, cela devenait un défi très intéressant.
Pour un journaliste, du rugby au golf, l’approche est différente ?
Bien sûr mais j’ai toujours suivi le golf. Quand j’ai commencé à jouer, c’était les années Tiger. J’ai beaucoup regardé et j’ai très vite accroché. Les sports sont différents, c’est certain mais je dirais que dans la préparation, ce n’est pas si différent que ça. Préparer deux équipes que tu vas commenter, le contexte, les anciens résultats, finalement c’est quelque chose qui se transpose assez facilement. Pour moi, cela revient à faire des fiches sur les joueurs que tu vas commenter, sur le parcours, préparer tes 18 trous avec les spécificités, … C’est le travail de la semaine qui ressemble un petit peu à ce que tu peux faire aussi quand tu vas commenter un match de rugby.
Tu as quand même 150 joueurs environ d’un côté contre une 40aine pour le rugby…
Certes, la préparation en amont et la recherche des infos sont peut-être un peu plus compliquées en golf parce tu ne peux pas juste appeler les 2 entraîneurs comme lors d’une rencontre entre 2 équipes du Top14 (Championnat de France de rugby – ndlr). On a moins de contacts directs avec les joueurs au golf mais on sait à l’avance globalement les parties qui vont être suivies en fonction des groupes, du champ de joueurs ou du leaderboard. Entre les 4 parties du matin et les 4 de l’après-midi pour les 2 premiers tours qui seront mises en avant, ce sont 25 joueurs aussi bien sur l’ET que le PGA. Avec le temps, on a une base de données qu’il faut surtout faire en sorte de mettre à jour avec les dernières infos et les différents classements par exemple.
Et côté commentaires ?
Forcément très différents. D’abord, sur un temps de 4/5h aux commentaires, tu ne peux pas être tout le temps à “hurler comme un fou” ! 🙂 Tu t’appuies sur ton consultant de manière aussi totalement différente. Au golf, on a plus de temps pour le faire intervenir, on peut lui poser des questions et l’amener sur d’autres sujets comme la technique, sur un joueur en particulier ou sur le parcours Au rugby, le consultant est plus dans le temps réel et l’analyse de l’action, notamment lors des ralentis. Mais, c’est vrai de par mon passage au rugby que je vais parfois pousser un peu plus la voix quand il se passe quelque chose d’un peu exceptionnel sur le parcours.
Et les réseaux sociaux, tu les utilises notamment pendant les retransmissions ?
Parfois pendant le direct, parce que des gens nous posent des questions qui peuvent être intéressantes pour les téléspectateurs en général et, du coup, si on peut apporter la réponse directement à l’antenne, tout le monde en profite. En dehors, oui mais sans accorder plus d’importance que ça aux critiques quand on a l’impression qu’elles sont injustifiés, ni aux éloges non plus parce que même si ça fait plaisir, c’est dans les deux sens ! 😉
Passer d’un sport populaire à un sport dont l’audience est plus confinée, cela n’a pas d’importance ?
Effectivement, c’est une question que j’aurais pu aussi me poser au moment du changement. Mais d’abord, j’ai vu une opportunité d’évoluer dans une plus petite rédaction et donc la possibilité de pouvoir apporter plus au quotidien. Avec le golf, on a aussi un public de de pratiquants, et donc clairement de passionnés, de connaisseurs et de fidèles. Plus que le nombre, j’ai aussi vu ces aspects là chez les téléspectateurs.
Comment cela passe le travail au sein d’une rédaction golf par rapport à une plus importante comme le rugby ?
Ça fonctionne de la même manière, à plus petite échelle. On n’a pas forcément non plus les mêmes moyens pour réaliser toutes nos envies mais, pour le reste, cela fonctionne comme n’importe quelle rédaction sport à Canal. On a un rédac’chef, une émission principale (Golf+ Le Mag) sur laquelle on se retrouve une fois la semaine précédente pour définir globalement le contenu et ensuite chaque lundi avant le tournage. On parle aussi des sujets qu’on aimerait réaliser, en essayant d’aller tourner avec les joueurs. Il faut alors trouver du temps pour ce type de reportages si on n’est pas aux commentaires.
Qui participe ?
Thierry (David), Christian (Ledan), Pauline (Sanzey), Julien (Xanthopoulos) quand il est là, Grégory Nowak qui est directeur à l’omnisport, Tiago, notre chef d’édition, Antoine Fourtané, Nicolas Fabre, Steven Boullé et Margaux Marchand qui sont à la fabrication. C’est une table assez ouverte tous les lundis sur ce que, nous commentateurs, on a pu voir et ce qu’il faut absolument retenir de notre week-end à l’antenne, ce que les autres qui ont regardé ont envie d’évoquer. On fait aussi en fonction de notre invité bien sûr.
Qui choisit les invités ?
Tout le monde donne ses propositions. Thierry et Christian, qui ont un gros carnet d’adresse, essaient de caler ça en amont, en fonction des disponibilités des joueurs. On espère avoir toujours plus de golfeurs français mais avec leur calendrier, c’est forcément compliqué.
Des golfeurs étrangers aussi ? (interview réalisée le 6 février 2019 – ndlr)
Oui, ça tombe bien puisqu’on va recevoir Thomas Detry lundi (émission du 11 février 2019 – ndlr). Il fera également “L’oeil des Pros” avec Julien pour parler technique. Depuis un moment, Thierry essaie de faire venir José Maria Olazabal. Mais, comme pour les Français, les contraintes des calendriers sont là.
Dirais-tu qu’il y a une “marque de fabrique” Adrien Toubiana ?
Il faudrait demander aux téléspectateurs. 🙂 Peut-être, apporter de l’enthousiasme au maximum. Je pense que c’est important parce que le golf est un sport qui se joue sur la longueur, c’est parfois un peu lent. On a de plus en plus le débat sur le temps de jeu. Typiquement, le dernier tour du Phoenix Open avec Rickie Fowler, c’était 5h20 sur une dernière partie ! Disons que j’essaie quand cela devient important, avant un coup, de donner les enjeux. Grâce au consultant, on va pouvoir expliquer où il doit jouer et surtout ne pas jouer car derrière cela lui laisserait un coup très compliqué, de préciser la distance, le club choisi pour que les gens puissent se rendre compte, notamment en comparant avec leur propre jeu. L’idée est de donner toutes ces clés en amont pour que les téléspectateurs puissent regarder sans qu’on intervienne jusqu’au résultat du coup. Et là s’il faut s’enflammer parce que le coup est exceptionnel, oui je le fais ! 🙂
⚠️ Début à 21h du @attproam sur @GolfCanalPlus en compagnie de @XanthopoulosJ Du beau monde, des parcours de légende et un preview de l’us open 2019 #TeamBarbus pic.twitter.com/JsNC0WvRst
— Adrien Toubiana (@AdrienToubiana) February 7, 2019
Pour toi, y-a-t’il une différence entre commenter un tournoi ET et PGA ?
Alors, déjà pour les deux, Canal+ n’est maître sur aucune des retransmissions. Je dirai que chaque circuit a ses avantages et ses inconvénients. Sur le tour européen, on voit du jeu pratiquement non-stop pendant toute la durée de la retransmission. En revanche, notamment pendant les 2 premiers tours, la réalisation se focalise sur les parties phares, sans aller voir vraiment ceux qui sont en haut du leaderboard. Et pour les Français, c’est juste jamais ! Eventuellement leur dernier putt du jour parce que ce joueur est dans le Top3. Ça c’est une vraie frustration.
Pour le circuit américain ?
Eux, n’ont pas de problèmes à décrocher une caméra ou passer les images des meilleurs de la journée. On va pouvoir suivre les quatre derniers trous du leader même si c’est un rookie, quelqu’un qu’on ne connaît pas. Mais, de l’autre côté, on a beaucoup de breaks avec des tableaux de scores qui s’enchaînent toutes les 10 min en raison des nombreuses coupures pub et il faut meubler plus souvent.
Et en dehors de la réalisation comme les statistiques par exemple ?
Effectivement, les américains t’en procurent beaucoup, parfois à l’extrême. Mais le Tour Européen s’y met. Il a aussi lancé quelques innovations comme l’interview des joueurs sur le parcours pratiquée depuis 2 ans environ et maintenant reprises par le PGA Tour depuis cette année.
Tu en penses quoi d’ailleurs de cette innovation ?
D’abord il y a ceux qui veulent et ceux qui ne le souhaitent pas, et ça c’est totalement respecté. Je ne suis pas professionnel, mais de ce que les joueurs en disent et le ressenti que j’en ai quand je les vois répondre aux questions de nos confrères, un golfeur ne peut pas être 4h30 en étant à bloc tout le temps de toute façon. Il n’y a peut-être que DeChambeau qui le fait, et on verra si ça dure ! 🙂 Entre deux coups, un joueur a 5 minutes de marche et il le fait déjà, de fait avec son partenaire de jeu ou son caddie. En plus, dans la mesure où c’est fait par un ancien joueur qui saura quand le moment est propice ou non, je pense que ça apporte toujours quelque chose et que les joueurs vont si s’y habituer. J’y vois une manière aussi de rapprocher un peu le golfeur du téléspectateur.
[bctt tweet=”C’était se retrouver au milieu d’un stade (…). Entendre les chants, être juste à côté des joueurs, c’est indescriptible. C’était fou ! – Adrien Toubiana #RyderCup #Interview #LPBB” username=”leblog_lpbb”]Tu nous disais plus tôt que tu as commencé au moment de la Ryder Cup, était-ce un rêve qui se réalise ?
Je ne sais pas si c’était un rêve, mais ce qui est sûr, c’est que c’est le meilleur moment de ma carrière, oui ! En terme d’intensité de ce que j’ai pu vivre sur les trois jours et notamment le premier quand j’ai été sur le terrain. J’étais dans les cordes pour commenter la première partie de double, et c’était se retrouver au milieu d’un stade, parmi les joueurs, avec sur chaque trou, l’impression d’avoir trente mille personnes autour de soi. Entendre les chants, être juste à côté des joueurs, c’est indescriptible. C’était fou ! J’ai surtout rêvé de faire ce métier depuis que je suis tout petit, et c’était justement pour vivre des moments comme ça.
3ème tour du @BMWchamps en ce moment sur @GolfCanalPlus avec @arnaudverhaeghe et @romainbouchenot pic.twitter.com/6nnvZ8bSp0
— Adrien Toubiana (@AdrienToubiana) September 8, 2018
Le premier Majeur de l’année approche, tu connais déjà ton rôle ?
Non, pas encore. Je sais que je serais sûrement sur place pour un ou deux majeurs cette année mais je ne sais pas encore lesquels. De toute façon, ne serait-ce que participer au Masters, d’une manière ou d’une autre même sans être sur place, ce sera aussi un grand moment.
De quoi ne pas regretter cette arrivée au golf…
Oui, d’autant que, 3 semaines avant la Ryder Cup, j’étais aux Etats-Unis pour être déjà dans les cordes et commenter l’avant-dernier tournoi des playoffs de la FedEx Cup en suivant Tiger Woods pendant 18 trous ! Donc, depuis mon arrivée au golf, en neuf mois, j’ai quand même vécu des moments très très forts de ma carrière.
Arrives-tu à trouver le temps de jouer au golf ?
Depuis que je suis jeune papa, beaucoup moins. Avant je jouais une fois en semaine, toujours avec des amis. Au-delà de l’aspect compétition, c’est d’abord le côté convivial que j’apprécie dans le golf. Mais c’est vrai que là c’est compliqué. Il y a toujours l’envie qui est là et quand ce n’est plus tenable, j’arrive à me libérer !
Quel est le point fort du jeu d’Adrien ?
Le problème, en jouant moins ces derniers temps, d’un parcours sur l’autre, on va dire que ma force peut devenir ma faiblesse et ma faiblesse, ma force ! 🙂 Ces derniers mois, c’est mon petit jeu que je perds le plus. J’arrive encore à garder ma longueur de balle mais c’est très relatif.
Quelle est ta vision du golf en France ?
C’est un sport qui essaye de se démocratiser, il n’y arrive pas encore totalement mais en tout cas, il essaie. J’ai l’impression qu’on arrive à changer cette image de sport élitiste. Je pense que cela va dans le bon sens même s’il y a encore énormément de travail pour justement amener encore plus de monde à prendre les clubs. Beaucoup essaient à leur niveau de faire grandir le golf, je vois par exemple Canal+ qui y a contribué en diffusant un peu de la Ryder Cup en clair.
Crois-tu à la pertinence d’un grand champion pour développer ce sport ?
Un champion, ça ne t’amène pas tout mais ça t’apporte forcément un peu. Ça amène logiquement les gens à s’y intéresser, ça amène les médias à s’intéresser à ce sport. Cela ne va pas multiplier par 4 le nombre de licenciés et le nombre de téléspectateurs mais ça aidera un peu.
Tu parlais de rêve en suivant Tiger dans les cordes, d’autres joueurs que tu apprécies ?
Oui, Tiger parce que j’avais 12 ans lorsqu’il a gagné son 1er Masters (1997), et mes parents ont toujours été abonnés à Canal+ donc j’ai tout regardé dans la mesure du possible. Sinon, ce que j’aime bien, c’est retrouver cette année sur le PGA des joueurs que j’avais pu suivre un peu sur le Web.Com la saison dernière. Par exemple, Cameron Champ qui a déjà gagné pour sa première année de rookie ou le coréen Sungjae Im qui a gagné le 1er tournoi l’an dernier et qui a été #1 toute la saison.
Tes trois partenaires pour un 4 balles ?
Tiger, même si je l’ai déjà vu frapper des balles sur 18 trous, pour qu’il puisse me donner quelques conseils. Après je ne sais pas si ce serait le plus marrant, à moins de trouver deux autres partenaires qui le dérident ! 🙂 Je prendrai Poulter, parce que je pense que c’est quelqu’un avec qui tu peux discuter et qui doit avoir dix mille anecdotes à raconter. On pourrait aussi parler foot puisqu’il adore ça et… (moment de réflexion)… Je prendrais Barack Obama ! Sans doute mon côté Sciences Po. (rires)
On termine par un petit jeu de pronostics sur les quatre majeurs à venir ?
Je vais mettre Fowler au Masters, il fait 2e l’an dernier et je pense que la façon dont il a regagné au Phoenix Open le met parmi les favoris. Je dirais Rory au British, en Irlande du Nord. Chez lui, ce serait une belle histoire. Du coup, Tiger à Pebble Beach, ce serait pas mal ! Et au PGA, sur un parcours ultra difficile (Bethpage Black Course – ndlr), peut-être un premier vainqueur. Cela arrive souvent dans ce Majeur. Je verrais bien un australien, Cameron Smith ou Marc Leishman. Je dis le PGA Championship mais ce sera peut-être un des trois autres. 😉
Je remercie chaleureusement Adrien pour sa disponibilité et d’avoir pris sur son temps libre, forcément précieux quand on est jeune Papa, pour cette rencontre. N’hésitez pas à le suivre sur Twitter : @AdrienToubiana