Ils sont nombreux ces jeunes golfeurs – et moins jeunes aussi parfois – qui font le grand saut vers le professionnalisme. Un saut vers l’inconnu pour eux et le saut d’un inconnu pour tous exceptés la famille et les amis. Julien Fontaine braque les projecteurs sur l’un d’entre eux, Mathieu François, et nous raconte son histoire sur LPBB.
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C’est un matin d’octobre 2021 en Rhénanie-Palatinat. Pas forcément connu pour son climat chaleureux, le petit bourg d’Ensch en Allemagne accueille ce jour-là le deuxième tour de la Qualifying School du Pro Golf Tour, une antenne de la troisième division européenne
«Le premier jour déjà, on est parti assez tôt le matin, et, franchement, on n’y voyait déjà pas grand chose», explique Mathieu François.
Lorsque que l’on a 36 trous pour prouver que l’on mérite sa place sur ce Tour là, on s’attendrait à des conditions dignes de pouvoir jouer au golf, mais Mère Nature impose parfois ses conditions, et alors, en plus de leur golf, les joueurs sont forcés d’aiguiser leur sens de l’adaptation. « D’un départ prévu à 13h30, je me retrouve avec un texto de Maxime (Louchet, ndlr) qui m’informe à 10h40 qu’on partira en shotgun à midi ». Avec la grosse demi-heure de route qui conduit au parcours du Golf Club Trier e.V., « me voilà à taper quelques balles sur un practice bondé et recevoir à 10 minutes du tee time l’information selon laquelle je démarrerais du 3, le trou le plus éloigné du clubhouse ». Le tout en allemand, évidemment.
Le début de partie, on le comprend aisément, est “catastrophique”. Il l’est d’ailleurs pour une grande partie des joueurs du champ. « J’en ai discuté avec mon coach, et début de ronde difficile ou pas, je suis resté sur ma stratégie qui m’avait permis de jouer dans le par la veille » et donc d’être en course pour décrocher le droit de jeu en 2022. Finalement les birdies commencent à tomber, au 11, au 13 et au 15 notamment. Et dans une partie chaotique, le fond de jeu permettra de signer un 76 (+4) au recording, soit un +4 final pour une 27e place, synonyme de graal et d’obtention des cartes. Mathieu François jouera sur le Pro Golf Tour en 2022.
Une Gounouilhou épique
Faciès de numéro 10 mais comportement de jeune loup trop imprévisible, il voit très vite les portes de l’ovalie se refermer devant lui, lui qui aurait pris un malin plaisir à « taper les All Blacks ou à rentrer dans la tronche d’Owen Farrell ». Pourtant fan du Biarritz Olympique (une drôle d’idée…) et de Dimitri Yachvili (une idée un peu plus sérieuse), c’est aux sirènes du ballon rond qu’il répond dans un premier temps, mais « tu connais, les croisés »… Alors, à 14 ans, direction le champ de pratique du Golf de St Thomas à Béziers. Quelques fers 7 dans le lac plus tard, un virus plus contagieux encore qu’Omicron l’irradie. Vol de balle. Arrêt du temps.
Bottes de sept lieues aux pieds, le voilà parti vers les ciels ensoleillés de la côte Basque (blague), sous les couleurs du Golf du Phare. Dès 2016, et c’est de son aveu « [son] meilleur souvenir », le voilà victorieux du Trophée Hirigoyen, pas le plus gros tournoi, certes, mais une victoire qui intervient dans un moment de profonde remise en question.
La saison 2017 est bonne mais elle ne suffit pas à intégrer l’équipe de Gounouilhou du club. Cette sélection intervient l’année d’après pour défendre les couleurs biarrotes sur les greens du golf du Prieuré en Ile de France, après une 4e place à l’Open d’Arcachon, quelques huitres et quelques verres de blanc. L’armada Rouge & Blanche termine en tête des qualifications, puis écarte Lyon en quarts de finale. La veille de la demi-finale, les choix du capitaine sont faits. Puis le matin, ils changent. Le reste est lunaire:
« – Le capitaine t’annonce la veille que tu joueras les doubles ?
– Ouais, je dois jouer avec Antoine (Auboin, ndlr), Nicolas et Mathieu doivent jouer l’autre double.
– Ca parait assez clair…
– Ca l’est jusqu’au matin, quand le choix est fait de changer les paires décidées le soir. Donc on s’échauffe, et on se dirige vers les départs. A ce moment-là il fait un temps à poser les pieds sur le chien devant la cheminée (décidément un très bon feeling avec la météo). Lorsque la première paire part et se retrouve avant green, on regarde la feuille du starter et on se rend compte qu’on a merdé dans la composition des doubles… On cherche à discuter avec le corps arbitral*, mais on se retrouve à perdre le premier double sur tapis vert et on splitte le second à cause de la pluie. »
Après les doubles, Biarritz est donc mené 1,5 – 0,5 sur un évènement incroyable à ce niveau là. Une belle gestion, en somme. Dans les simples, Mathieu François joue la partie finale contre Thomas Boulanger. Dans une partie relativement maitrisée, le biarrot est malgré tout poussé au 18 par le cannois.
Récit de l’attaque de green. « Les conditions sont affreuses et avec mon ami Nicolas Calvet on s’embarque dans une discussion de coréen avec un géorgien. On se met d’accord sur un fer 3 en Cut, alors que depuis le début de la compétition je ne frappais que des draws. Logiquement, je lâche un missile en pull qui prend direct le chemin du practice. Puis la balle retombe plus tôt que prévu, prend le sommet de la voiturette du directeur, et finit fond de green. Avec approche-putt assez facile, on prend le match et la demi-finale. On me parle toujours de ce coup-ci, et d’ailleurs, il y a même une petite voiturette miniature au Phare, dans la vitrine des trophées. »
Trou 18 (1/2 finale Biarritz-Cannes Mougins) : le Biarrot Mathieu François est 1UP et joue son attaque de green… 😲🏌️♂️⛳️ #gounouilhou2018 #chance #ffgolf #golf pic.twitter.com/f6md4fKmfu
— Fédération française de golf (@ffgolf) May 1, 2018
En finale, Mathieu François n’est pas aligné dans l’équipe qui affronte Chantilly. L’enchaînement est trop proche de la demi et beaucoup d’énergie, physique ou mentale, est restée sur les greens franciliens. Paré d’un costume de cadet, il voit Nicolas Platret mettre les mains sur le trophée, le premier pour Biarritz depuis 23 ans. Comme on peut sans difficulté l’imaginer, « la suite appartient au secret du vestiaire ».
Un circuit coup de coeur
De retour en solo, Mathieu François, le méditérranéo-basque voue sa fin d’exercice 2021 à la préparation des cartes et à l’entrée sur le PGT. « J’adore faire l’accent allemand, ma maman est d’ailleurs persuadée que je parle vraiment avec un certain accent allemand, et ça l’agace », parce que oui, sur le Pro Golf Tour, manier la langue de Kant peut se révéler un atout majeur.
Ce choix du tour outre-Rhin plutôt que celui de l’Alps Tour possède une double justification. D’abord, les dates des Q-Schools permettaient à Mathieu d’y participer compte tenu de la programmation d’une opération chirurgicale en novembre, puis jouer sur ce tour « c’était la possibilité d’aller jouer des tournois en Pologne, la terre de ma grand-mère et de mon père ».
The 2022 Pro Golf Tour season will kick off on the 15th of March 2022 in Cairo in Egypt. The Dreamland Pyramids Classic is the first event of the new Pro Golf Tour period. Check the schedule for the first part of the season @ https://t.co/Yl9WTE3JOo pic.twitter.com/RBtRcv5EfH
— Pro Golf Tour (@ProGolfTour) November 23, 2021
Alors, en ce début d’année 2022, le programme ressemble comme deux gouttes d’eau à celui de Bryson DeChambeau… Rééducation, ré-athlétisation, musculation, poisson et blanc de poulet, milk shakes à la fraise, il faut chercher à « tenir des grosses séances d’entraînement et des 18 trous ».
Le travail technique a lui aussi déjà commencé, puisque l’accent est d’ores et déjà porté sur les profondeurs du jeu de fer, le wedging et les sorties de bunker. Mais de son propre aveu, le plus dur du travail n’est pas effectué sur les champs de pratique verdoyants des golfs du sud de la France mais bien sur les internets, et au téléphone, dans la recherche des financements** pour l’année à venir.
Mathieu François adapte d’ailleurs le calendrier en conséquence : « je fais l’impasse sur les tournois en Egypte. Ca me permet de bosser les fondamentaux et d’économiser suffisamment pour être en phase avec mes engagements à compter du début du deuxième tiers de la saison ».
Maintenant, comme on dit chez toi, « Milesker eta zorte on ».
*on en attend pas moins d’une équipe basque. Et bisous du Béarn.
** rdv sur @mat_francoismir_progolf sur Instagram pour parier sur le poulain.