Bonjour François, raconte-nous l’histoire de ce projet My Bunker Shot ?
C’est une histoire qui a démarré en mai 2022. Je te dirais un peu par hasard, mais avec un an de recul, je pense que c’était le bon moment.
Comme beaucoup de golfeurs, depuis quelques années, nous nous organisons notre semaine de golf entre potes, avec une petite…enfin non, grosse compétition, ça chambre pas mal bien évidemment. Les règles s’affinent chaque année pour éviter quelques tensions, mais l’esprit de la bande étant totalement « Easy Driver », tout rentre toujours dans l’ordre au 19ème !
En juin 2022, destination la Bretagne, ma région d’origine, le Morbihan plus précisément pour notre « Breizh Swing ». Edition spéciale pour moi, je souhaitais donc faire quelque chose de particulier. D’autant plus que le senior de la bande venait d’avoir 60 ans, et que notre Phiphi, il est assez régulièrement en délicatesse…dans les bunkers:-). « Bunker Shot », est une expression gardée en mémoire d’un moment vécu à Crans-Montana pendant le pro-am de l’European Masters en 2019, une édition particulière, les 80 ans du tournoi. Omega a invité Rory qui joue le pro-am avec Justin Timberlake. Justin s’est retrouvé dans un rough très dense près du green du 8, et a demandé à Rory quel coup jouer : « Like a bunker shot ! ». J’ai aimé le moment et l’expression tout simplement.
L’idée de broder « Bunker Shot » sur une casquette est née de ce souvenir et du clin d’oeil aux 60 ans de Philippe. J’ai donc fait l’acquisition de quatre casquettes vierges « New Era », puis sollicité l’entreprise Léman Broderie à Evian, un petit atelier très réactif, efficace et pro, pour me broder une première version du logo sur les casquettes…dont une avec un 60. Jusque là rien d’extraordinaire, je pense que beaucoup de golfeurs vivent la même histoire. Rapidement je m’interroge, pourquoi s’arrêter à cette première version ?
Un premier constat que je partage avec d’autres joueurs : l’univers de la casquette de golf est relativement aseptisé. Il suffit de suivre les tournois du PGA Tour ou du DP World Tour pour observer, qu’hormis quelques joueurs qui apportent un peu de couleurs sur leur tête et potentiellement le Tournament of Champions à Hawaii où les équipementiers font preuve d’un peu de fantaisie, il est difficile de sortir du blanc, noir et bleu marine… Je fais le même constat dans les pro-shops, à quelques exceptions près toujours les grandes marques à la notoriété bien installée, où globalement la seule originalité réside dans la broderie du logo du club sur la casquette.
Sans prétention, j’ai eu envie d’apporter un peu de nouveautés et de me faire plaisir avant tout. Une autre raison est à l’origine du projet : je suis un grand fan de typographies. Peu importe l’endroit où je me trouve, je regarde les affiches, les logos, les pochettes de disques, les couvertures de magazines, les flyers… toutes les polices de caractère, la manière dont elles sont dessinées, le contexte dans lequel elles sont utilisées. J’adore les affiches publicitaires des années 30, le travail de Cassandre, les polices utilisées à cette époque, la période Art Déco, le Bauhaus. Il en est de même pour le travail de Massimo Vignelli, le Pop Art, ou encore les couvertures d’albums de Vaughan Oliver pour 4AD… Je suis du genre à m’arrêter dans la rue pour prendre en photo… une affiche !
Les 50 ans passés, je me suis dit que c’est peut-être le bon moment pour se lancer un nouveau challenge et associer deux passions sur ce projet. Avant de partir en Bretagne, je fais un état des lieux de ce qui est disponible sur les réseaux sociaux, j’ajoute le « my » devant « bunker shot », je réserve les noms de domaines, je dépose le nom et une version définitive du logo à l’INPI et je pars jouer au golf et manger des crêpes… « My Bunker Shot » est né. « Born in Evian-les-Bains ».
Entre l’idée de départ et la première casquette entre tes mains, quelles ont été les étapes ? Combien de temps ?
La première phase, au retour de Bretagne au cours du mois de juin 2022, consistait à créer les premiers modèles et les avoir prêts pour les trois grandes échéances de juillet, la Arnold Palmer Cup à Genève, The Open à St Andrews et The Evian Championship.
L’idée était simple : acheter des casquettes vierges chez un grossiste (une quarantaine sans grand choix), développer trois premiers design, les faire broder – toujours par l’atelier Léman Broderie à Evian -, les porter, écouter les commentaires, observer les réactions, sans rien dire de leur origine, dans un premier temps.
Un test qui permettait de profiter de ces trois événements pour collecter le maximum de retours : deux modèles basés sur le logo de « My Bunker Shot » et un troisième évoquant les 150 ans de The Open. J’étais loin de ce que je voulais produire, mais la broderie réalisée par l’atelier d’Evian était déjà de bonne facture. Tout ce processus m’a pris environ deux semaines.
Comment se passe la création d’un nouveau modèle ?
Pour la phase actuelle, c’est beaucoup plus long, car depuis l’automne 2022 la casquette est créée de A à Z : forme, matières, couleurs de chaque élément, des coutures jusqu’à la fermeture…sans compter le temps du dessin de la casquette et la réalisation des fiches techniques. Il faut environ 40 jours.
La première étape consiste dans l’expression ou le motif que je souhaite appliquer sur la casquette. Quelle police de caractères et couleurs utiliser ? En règle générale, j’ai une bonne idée du rendu final avant de commencer. Cette partie créative peut me prendre plus ou moins de temps selon le modèle et l’inspiration du moment.
Ensuite vient le choix du type d’impression : broder, tisser, imprimer, réaliser un patch en PVC ? Si broderie, est-ce qu’elle est en 3D et si oui, sur quelles parties ? La complexité réside surtout dans la faculté de se projeter entre le dessin à l’écran et le rendu final sur la casquette.
Puis je détermine le choix des couleurs de la casquette, de la ou des matières, sa forme : cinq ou six panneaux ? Globalement toute cette partie est étroitement liée au type de patch ou à l’impression utilisée, donc à la fois la phase la plus simple techniquement à réaliser, mais aussi la phase la plus compliquée dans sa validation.
Avant la production, je m’attache à la rédaction de la fiche technique qui définit tous les éléments de la casquette. Les couleurs Pantone de chaque composant, le type de matière à utiliser pour chacun d’entre eux, etc…Une fois l’ensemble réalisé, j’échange beaucoup avec mon prestataire, sur ce qu’il pense du modèle, des contraintes techniques, et j’adapte si besoin. Un patch brodé peut devenir tissé, le choix initial d’une matière peut également changer en fonction de ses retours d’expériences.
Enfin, on passe au développement du prototype par l’usine sur la base de la fiche technique, avec un délai d’une 20aine de jours. Mais quand je reçois le prototype pour validation, là, ça se complique !
Pourquoi ?
Malheureusement, et malgré des fiches techniques détaillées, le prototype n’est pas toujours conforme aux spécifications. Et il faut aussi que le modèle correspond à mes attentes, Les palettes de couleurs disponibles des différentes matières, mesh et snapback, ne sont pas aussi étendues que le nuancier Pantone. Le rendu entre la version à l’écran et le modèle réel peut se révéler surprenant. D’une manière générale, je présente les prototypes à un maximum de personnes dans mon entourage, famille, amis golfeurs et non golfeurs, des deux sexes et de tout âge. Je travaille dans une équipe d’une cinquantaine de personnes, je profite de ce panel de profils différents pour présenter les prototypes et écouter les retours.
Je dois alors rédiger mes retours pour les problèmes de conformité et potentiellement une mise à jour des fiches techniques si le modèle évolue. Vient alors la mise en production avec une dernière phase de validation des corrections/évolutions via des photos transmises par l’usine, avant d’attendre la livraison de ma commande.
Chaque modèle a un nom spécifique, tu les choisis comment ?
C’est souvent le choix du nom qui est à la source d’inspiration de la casquette. Il y a des références à des séjours golfiques pour « Torrey Pines », « Kingsbarns », « Carnoustie 99 », à la marque en elle-même pour « Sand Save » et « Back to Back Birdies » pour lesquels je voulais travailler avec le « K » de My Bunker Shot.
Il y a aussi un clin d’oeil au trou n°2 d’Evian avec « Swing on the LAKE », ou encore au nom de la fiche technique pour la « Pink Groovy » parce que les journées ne font que 24 heures !
Et puis avec « Survive to drive », c’est le mixte d’un pied de nez à la série “Drive to survive” et la volonté totalement assumée de chambrer mes potes seniors, enfin, encore plus seniors que moi. 🙂
Tu as évoqué un peu le sujet au début de l’interview, mais qu’est ce qui distingue tes casquettes des autres marques du marché selon toi ?
A l’origine, l’idée était de développer des casquettes lifestyle, que l’on porte sur et en dehors du parcours, d’apporter quelque chose de plus cool, pas nécessairement de revisiter la casquette de golf, mais plutôt d’essayer de la moderniser.
Je cherche à mixer les matières, les types de patchs et d’impressions et à ajouter de la couleur. En somme que ce mélange devienne l’ADN de la marque. En parallèle, je vise à obtenir une belle qualité de produit, que la casquette soit parfaite ! Rien n’ai laissé au hasard, je suis très exigeant avec mon prestataire.
C’est vrai que j’ai parfois des commentaires sur le “trop de couleurs” dans mes casquettes, qu’elles sont difficiles à assortir…Mais c’est ce qui fait leur originalité !
Où fais-tu fabriquer les casquettes ?
J’ai passé beaucoup de temps l’automne dernier à chercher des prestataires français et/ou européens mais sans succès… J’ai contacté des sociétés implantées en Lituanie, Pologne, Portugal, Espagne, mais qui sont finalement des intermédiaires avec l’Asie, la Chine en particulier. Je ne désespère pas de pouvoir faire produire un jour les casquettes en Europe, l’apothéose serait un modèle 100% made in France bien évidemment.
Tu vends en ligne mais aussi via quelques revendeurs du côté d’Evian, comment les as-tu convaincus ?
Les casquettes sont disponibles sur notre site web et depuis le début de l’aventure, elles sont aussi vendues à Evian, chez ECCETERA, jusque là c’est facile, il s’agit de la boutique de mon épouse ! 😉
D’une manière générale, les retours sur les casquettes sont plutôt positifs, donc à partir du moment où les modèles plaisent, c’est déjà une première grosse étape de franchie. En septembre 2022, l’Evian Resort Golf Club m’a proposé de venir présenter mes casquettes, de les vendre dans la foulée et m’a renouvelé sa confiance pour cette saison. En Avril, Geneva Golf Center m’a réservé un superbe accueil et a réalisé une magnifique implantation. Donc très rapidement j’ai pu bénéficier de ces deux belles cartes de visite qui ont apporté de la crédibilité au projet et m’ont ouvert d’autres portes.
Si on ajoute le fait que quelques joueurs et caddies du monde pro comme Matthieu Pavon, Adrian Meronk, Romain Bechu, Anne Lise Caudal ou encore Sebastien Clément ont montré même de manière succincte, ou manifestent vraiment de l’intérêt pour la marque sur les réseaux sociaux, tout cela génère une attention particulière autour « My Bunker Shot ».
Quelle est ta clientèle en majorité ?
Peu importe l’âge ou la classe sociale, My Bunker Shot s’adresse avant tout aux golfeurs qui souhaitent apporter une touche plus cool à leur look sur le parcours.
Et es-tu surpris par le développement ?
Oui, clairement surpris ! Lorsque j’ai fait broder les 30 premières casquettes en juin 2022, je sentais qu’il y avait une demande, mais pas une seule seconde je n’aurais imaginé me retrouver à présenter les premiers modèles à l’Evian Resort Golf Club mi-septembre.
Un an après le démarrage, j’ai eu l’opportunité de signer une première et belle collaboration avec l’une des 23 sociétés françaises qui représenteront la France au G20 YEA à New Delhi en juillet prochain…D’autres collaborations sont à l’étude et les sollicitations sont de plus en plus nombreuses. Donc oui, très surpris par la rapidité du développement, la partie est loin d’être gagnée, c’est beaucoup de travail, mais c’est très encourageant.
Quelle est ta perception du marché du golf en France ? Son côté traditionnel est-il un frein pour tes modèles plutôt funs et colorés ?
Je pense que comme pour le tennis il y a 40 ans, les préjugés sont en train de tomber, le golf devient de plus en plus accessible et séduit de plus en plus de jeunes. Le nombre de pratiquants et de licenciés augmentent, cela commence à devenir « cool » de jouer au golf. La transition écologique qui s’annonce pourrait rebattre les cartes, mais on sent que l’engouement est bien présent.
Alors oui, la marché reste encore « trop » traditionnel, et c’est certainement un frein si le responsable du pro-shop ou d’une boutique a une sensibilité plus « classique ». Néanmoins, les retours des pro-shops que j’ai pu contacter me font part d’une demande croissante sur ce type de produits.
Aujourd’hui My Bunker Shot, ce sont des casquettes. Demain, on pourrait avoir des polos, des accessoires ?
Je développe déjà des tee-shirts, sweats et hoodies, mais comme pour le premier jet de casquettes, il s’agit plus de prototypes que je vends localement ou via les réseaux sociaux. Cela fonctionne très bien, et j’ai l’intention de rechercher sérieusement des fabricants européens l’automne prochain pour développer cette partie textile.
Pour le moment je me concentre sur la distribution de la première collection et le développement de nouveaux modèles, et c’est déjà beaucoup de travail.
Un mot de la fin ?
Oui, j’ai beau être seul à porter ce projet, cela n’en reste pas moins un vrai travail d’équipe. Je veux donc remercier toutes les personnes qui chacun à leur manière, m’accompagnent, me conseillent et m’encouragent depuis le début de l’aventure.