Jour J-23 avant le début du 1er tour du Masters et suite de la saga “Sur la route du Masters”. Après le récit sur l’Augusta National Golf Club, cette semaine est l’occasion d’un retour sur la victoire historique de Tiger Woods lors du Masters 1997. Ce dimanche 13 avril, le golf a pris une nouvelle dimension.
Tout golfeur du monde sait qui est Tiger. Tout golfeur curieux sait que le Masters de 1997 est son premier Majeur. Tout passionné sait qu’il a établi le record du score le plus bas de l’histoire du Majeur (-18). Tout fan du Tigre sait aussi, sans doute, que c’était son 4ème titre depuis qu’il était passé professionnel l’été précédent… Mais qui connaît réellement le déroulement de cette 61ème édition ?
L’onde de choc “Tiger Woods”!
Jusqu’en 1983, l’Augusta National Golf Club imposait ses propres cadets aux joueurs lors de la semaine du Masters. Des caddies tous salariés… et tous noirs selon la volonté de Clifford Roberts, co-fondateur du club.
Moi vivant, les golfeurs seront tous blancs et les cadets tous noirs ! [Clifford Roberts]
Mais à l’aube d’une vie qui s’est terminée dramatiquement par un suicide en 1977, Roberts va pourtant assister à ce qu’il imaginait impensable : la première participation d’un joueur afro-américain au Masters, en 1975. Robert Lee Elder joue sur le PGA Tour depuis 1968 et remporte sa première victoire en 1974 au Monsanto Open, ce qui lui offre implicitement une place à Augusta l’année suivante. Lee Elder signe 74 puis 78 et manque le cut. Il participera encore en 1977 (T19), 1978 (T42) et 1979 (T17).
Si un nouveau tournant de l’histoire a lieu en 1990 avec Ron Townsend premier noir invité, selon la tradition d’Augusta, à devenir membre, c’est la victoire en 1997 d’un jeune golfeur âgé de 21 ans 3 mois et 14 jours qui va faire trembler l’Augusta National Golf Club et surtout secouer sérieusement le monde du golf !
C’est le 3ème Masters de Tiger Woods mais le premier en tant que professionnel, statut qu’il a adopté 8 mois plus tôt. 2 ans auparavant, Tiger Woods était présent en tant que vainqueur de l’US Amateur 1994. Il sera le seul amateur présent le week-end et obtiendra une place finale de 41ème ex-aequo (72-72-77-72/+5). Il se fait déjà remarquer par la meilleure moyenne de distance au driving sur la semaine avec 311.1 yards. L’année suivante, toujours amateur, Tiger rate le cut après 2 cartes de 75.
Lorsqu’il gagne en 1997, la première victoire d’un joueur noir dans un majeur est déjà une image forte qui détonne dans le paysage plus que conservateur du golf. Mais au-delà, c’est évidemment la manière qui a frappé les esprits. Le score d’abord, avec un total de 18 coups sous le Par, puis l’écart sur le second, 12 coups et enfin l’âge, 21 ans, et le nombre de participations au Masters avant ce 1er titre. Certes, dans l’histoire du tournoi, il existe des années avec des résultats quasi similaires voire meilleurs.
Nicklaus en 1965 et Floyd en 1976 ont terminé à -17 avec respectivement 9 et 8 coups d’avance mais Jack remportait déjà son 2ème Masters et Raymond jouait pour la 12è fois à Augusta. Horton Smith (1934), Gene Sarazen (1935) et plus récemment Fuzzy Zoeler (1979) ont remporté le titre lors de leur 1ère participation mais ils étaient âgés de 25, 33 et et 27 ans, tout en étant professionnels depuis plusieurs années.
C’est donc la combinaison de tous ces chiffres par un seul et même joueur au même moment qui constitue un fait exceptionnel et sonne le départ d’une nouvelle ère.
Les humains n’y pouvaient rien…
À première vue pourtant, les résultats de la 1ère journée de cette 61ème édition du Masters ne semblent en rien présager un tel phénomène. Mais en détaillant la première carte de Tiger, les signes y sont déjà bien visibles.
Le jeudi soir, Woods est 4ème en cassant le Par à Augusta pour la 1ère fois avec une carte de 70, il est à 3 coups du leader John Huston. Tiger est associé au champion en titre Nick Faldo, ce qui le perturbe peut-être quelque peu. Il démarre sa journée par un bogey et va passer l’aller en 40 avec 4 bogeys contre aucun birdie…
Nous n’avions aucune chance. Nous sommes tous humains ici et il n’y avait aucun moyen humainement possible ! [Colin Montgomerie au soir de la victoire de Woods]
Sur place, le journaliste Rick Reilly raconte : “Lorsqu’il s’est dirigé vers le départ du 10, quelque chose s’est passé, quelque chose qui le sépare des autres humains. Il a corrigé son swing, à cet instant précis, dans sa tête“. Il débute son retour avec un coup de Fer2 et un swing plus court. Birdie au 10, chip rentré depuis l’arrière du green au 12 (birdie), en 2 sur le Par5 du 13 suivi de 2 putts (birdie), un coup de wedge en 2ème coup déposé à 1m du mât sur le Par5 du 15 (eagle) et un dernier birdie au 17 pour un retour en 30 !
Le lendemain, Tiger joue 66 (34+32) avec une seule erreur au 3 et notamment une série eagle-birdie-birdie du 13 au 15. Au soir du cut, il est le nouveau leader à -8 avec 3 coups sur Colin Montgomerie et 4 sur Costantino Rocca. Le Moving Day est juste parfait avec 7 birdies pour un 65 (32+33) qui porte son total à 201 (-15), égalisant ainsi le record de Raymond Floyd en 1976 sur 54 trous. Woods a alors 9 coups d’avance sur l’italien Rocca et 10 sur l’américain Stankowski ! Ce dernier déclare : “Je pourrais avoir une chance (de l’emporter) si j’arrive à faire 5 ou 6 birdies sur les 2 ou 3 premiers trous !”
Avec un tel écart, on aurait pu penser que l’intérêt réside uniquement dans les accessits mais tout le public présent veut suivre le nouveau phénomène et assister au plus près au sacre de Woods. Tiger gère son avance en passant l’aller en 36 (2 birdies, 2 bogeys). Mais animé par la volonté d’établir un nouveau record du meilleur total, jusqu’ici 271, Woods signe 3 birdies de plus aux 11, 13 et 14 pour gagner son 1er Majeur avec un score de 270 (-18). Tom Kite à la faveur d’un 70 finira le moins loin à -6.
Sur 72 trous, Woods a joué les premiers 9 en +4 et les 63 suivants en -22 !
Il a enchaîné 38 trous sans bogey et il n’a fait aucun 3 putts. Il obtient une moyenne au driving sur la semaine de 323 yards quand le second au classement est à 298.
Les billets à l’extérieur de l’enceinte se vendaient sous le manteau encore à 50$ alors que le tournoi était terminé, après avoir crevé le plafond des 10.000$ les heures précédentes.
Plus de 20,3 millions de téléspectateurs pour la seule journée du dimanche. À titre de comparaison, ils étaient 14 millions pour la victoire de Spieth en 2015.
Le 15 juin 1997, Tiger Woods va devenir n°1 mondial, soit la plus rapide ascension de l’histoire. La suite ? Tout le monde ou presque la connaît : 13 autres Majeurs, 18 épreuves WGC et un total de 79 victoires sur le PGA.
https://www.youtube.com/watch?v=Xq_5IXxrKjw
Rendez-vous la semaine prochaine pour un nouvel épisode : “Sur la route du Masters”.