Pourquoi s’arrêter quand on est si bien parti ? C’est peut-être la question que le boss de l’European Tour, l’infatigable Keith Pelley, s’est posé au moment de faire le bilan de la première édition du Golf Sixes l’année dernière. L’homme aux fameuses lunettes bleues a décidément envie de faire bouger les choses ! Il l’a encore montré en se servant du Golf Sixes pour faire un petit pas de plus vers le changement de l’image du golf. La nouveauté de cette année ? Des golfeuSES ont foulé les greens de St Albans aux côtés de leurs collègues masculins.
Qui, avec qui et contre qui ?
Cinq femmes donc, réparties dans trois duos :
- Une équipe mixte, composée des capitaines européens des prochaines Ryder Cup et Solheim Cup : Thomas Björn et Catriona Matthew. Ils ont affronté lors de leurs matches de poule l’Australie, la Corée du Sud et l’Espagne, et sont sortis derniers de leur groupe avec 1 point.
- Une équipe « européenne », formée par l’anglaise Melissa Reid et l’espagnole Carlota Ciganda (qui a remplacé Suzann Pettersen, cette dernière ayant annoncé sa grossesse), qui se seront battues face à la Thaïlande, aux Etats-Unis et aux champions en titre danois qu’elles ont éliminé à l’issue d’un playoff.
- Une équipe exclusivement anglaise, avec Charley Hull et Georgia Hall, qui ont fait face à l’Angleterre version masculine, la Suède et l’Afrique du Sud.
Ces dernières ont même fait parler d’elles dès leur entrée dans le tournoi quand, au départ du 1, Charley Hull « effraie » ses compatriotes masculins avec un sublime coup de fer qui voit la balle finir à quelques centimètres du trou.
This is how you start @GolfSixes by @HullCharley ????@PepperellEddie & @mattsjwallace see you later ??????? pic.twitter.com/amnOyFIFKQ
— Ladies European Tour (@LETgolf) 5 mai 2018
Même si, à la fin, le trophée est revenu au binôme irlandais composé de Paul Dunne et Gavin Moynihan, les deux équipes féminines n’ont pas démérité, se frayant un chemin jusqu’en quart de finale, où les anglaises ont été défaites par les irlandais, et les « européennes » par les australiens.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ces performances ont fait leur petit effet : tout le monde en a profité. Fans comme joueuses ont adoré, il suffit de voir l’enthousiasme de Mel Reid pour le comprendre : « Je pense que c’est un succès énorme pour le golf féminin. Cela a généré beaucoup d’exposition. C’est ce dont on a besoin, car nous n’en avons pas. Avec un peu de chance, on a ouvert les yeux de plus de gens sur le golf féminin et on a montré qu’on peut rivaliser, qu’on est plutôt bonnes dans ce qu’on fait et qu’on travaille très dur pour ça. » La joueuse de Solheim Cup a même fini par déclarer que l’ancienne numéro 1 mondiale Lydia Ko serait très intéressée pour participer au tournoi l’année prochaine. Rien que ça. En plus, le Ladies European Tour et ses membres ont profité d’un véritable coup de projecteur qui, espérons-le, leur sera bénéfique pour l’avenir.
S’il fallait faire un peu de comparaison : sur l’année 2017, Georgia Hall est arrivée première de l’ordre du mérite du LET avec des gains s’élevant à 368 935€. Sur l’European Tour, Tommy Fleetwood a lui raflé la Race to Dubai avec 5 420 530€, soit près de 14 fois plus…
Mais tout ceci ne fait pas office de première. Remontons un peu le temps à la découverte des quelques fois où le mélange des genres s’est frayé un chemin dans le monde du golf professionnel :
Mildred « Babe » Zaharias
Si vous n’avez jamais entendu parler d’elle, un petit conseil : allez donc jeter un œil à la carrière de cette athlète absolument incroyable. Joueuse de basket-ball et de baseball entre autres, elle excelle également dans le golf, remportant 41 victoires sur le LPGA Tour (qu’elle a co-fondé). Elle est la première femme à prendre part à un tournoi masculin, le Los Angeles Open, en 1938. En 1945, lors de ce même tournoi auquel elle a participé une seconde fois, elle va plus loin, en devenant la première golfeuse a passer le cut après 36 trous dans un tournoi de la PGA. Son 79 du lendemain ne lui permettra pas de prendre le départ le dimanche.
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Annika Sörenstam
Est-il encore seulement nécessaire de présenter celle qui est considérée comme l’une des meilleures golfeuses de l’histoire ? Probablement pas. Une chose est sûre, la suédoise aux 72 victoires a marqué le golf de son empreinte… notamment en se présentant au départ du Bank of America Colonial, en 2003. La controverse autour de cette invitation a été colossale, beaucoup se posant la question du bien-fondé de sa démarche. Mais la championne n’en a eu cure, car elle n’était là ni « pour la publicité », ni pour prouver quoi que ce soit aux hommes. A une époque où elle dominait le golf féminin mondial de bout en bout, elle avait simplement besoin d’aller chercher plus loin, de continuer à se dépasser. Résultat : elle a manqué le cut (à cause de son putting) mais a rallié le public à sa cause, interagissant plus avec les fans sur deux jours qu’elle ne l’avait jamais fait sur aucun des tournois auxquels elle a participé.
Fun fact : l’un de ses partenaires lors de ces deux jours, Aaron Barber, a déclaré plus tard avoir gagné plus d’argent grâce à des contrats de sponsoring survenus juste après le tournoi et son « pairing » avec Annika que sur le reste de sa carrière.
Plus tard la même année, elle s’est mesurée à Fred Couples, Phil Mickelson et Mark O’Meara lors des Skins Games, où elle a fini deuxième avec un gain de 225 000$.
Suzy Whaley
2003 toujours (quelle année !). Suzy Whaley s’est qualifiée pour participer au Greater Hartford Open en remportant Connecticut PGA Championship l’année précédente. Mais cette fois encore, controverse il y a eu. En effet l’américaine a passé les qualifications en jouant depuis les départs avancés. Elle a tout de même été autorisée à jouer sur le PGA Tour, mais avec obligation de prendre les mêmes départs que les hommes. Depuis ce jour, hommes et femmes participant aux tournois de qualification doivent impérativement jouer leur premier coup depuis les mêmes emplacements.
Michelle Wie
13. C’est le nombre de fois où l’américaine a participé à un tournoi aux côtés des hommes. Plus impressionnant encore ? C’était entre 2003 et 2008, soit lorsqu’elle avait entre 14 et 18 ans. Elle ne passera le cut qu’une seule fois, lors du SK Telecom, tournoi de l’Asian Tour, et le manquera deux fois de peu sur le PGA Tour (pour un ou deux coups). C’était également la seule femme à avoir jamais pris part à un tournoi de l’European Tour en 2006, lors de l’Omega European Masters (elle avait 16 ans).
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Sam Snead
S’il devait y avoir un « homme du LPGA Tour », ce pourrait être lui, car même si ce n’était pas vraiment un tournoi officiel, il est à ce jour le seul homme à avoir jamais gagné sur le circuit féminin. C’était le 7 février 1962, au Royal Poinciana Plaza Invitational, après deux jours et quatre tours de compétition contre 14 femmes. 5 coups d’avance sur Mickey Wright lui ont permis de repartir avec les 1 500$ de récompense.
Et la suite alors ?
Peut-on espérer d’autres initiatives comme celle de l’European Tour ? C’est fort probable. A une époque où l’égalité des sexes est devenue une vraie question de société, les différents circuits masculins et féminins autour du monde travaillent ensemble pour proposer des tournois qui réuniraient hommes et femmes. Et même s’il semble difficile d’atteindre un jour l’égalité parfaite, on peut tirer un grand coup de chapeau à Keith Pelley et ses équipes pour avoir ouvert la voie car oui, la route est encore très longue, mais il faut bien commencer quelque part.
Une dernière info : les « European Championships » accueillis par Glasgow et Berlin. Tous les 4 ans pendant une dizaine de jours, ce sont les championnats d’Europe de 7 sports différents, dont le golf, qui auront lieu en même temps, rassemblant près de 4 500 athlètes. Les épreuves de la petite balle blanche auront lieu à Gleneagles et seront au nombre de trois : une en individuel pour les hommes, une en individuel pour les femmes et une mixte (par équipes donc).
Alors, rendez-vous en août !