Arrivé le 1er Septembre 2014, et après plus de 5 ans de bons et de très loyaux services à la direction du Golf National, Paul Armitage a décidé de changer d’aventure. Une intéressante interview qui retrace le bilan de ses années au Golf National et les futurs challenges du 59Club, son nouveau projet.
Dans un 1er temps, pourquoi décides-tu de partir du Golf National (GN) ?
La première raison : je suis un homme de mission. La Fédération m’avait donné une liste de tâches à accomplir et les ayant (presque) toutes cochées, le moment était parfait. Et si vous regardez mon CV, après 5 à 7 ans, j’ai besoin de faire autre chose, de me remettre en danger.
La deuxième raison est l’approche d’un changement de présidence à la FFGolf. En tant que directeur du GN, tu dois être loyal et fidèle à la nouvelle mandature : hors de question pour moi de partir au milieu d’un mandat, cela ne me semblerait pas chic et pas normal. C’etait donc maintenant ou à repousser dans plus de 5 ans. J’ai déjà dépassé la cinquantaine donc – c’est maintenant !
Et enfin, j’avais aussi besoin de travailler différemment. ? Pour moi, être directeur de golf, c’est un travail quasi 24/24. On est ouverts 7 jours sur 7 et depuis que je suis arrivé au GN, je n’ai pas débranché – il n’y pas un jour ou je n’ai pas pensé au GN. Quand les équipes sont sur le front, je ne suis jamais très loin. J’ai donc besoin de souffler un peu, de faire autre chose.
Revenons sur ces 6 années…
Durant ses 6 ans, ce qui m’a rendu le plus fier, c’est mon équipe et le changement de culture de l’entreprise. Le GN est un équipement fédéral comme Roland Garros, Marcoussis ou Clairefontaine qu’on a placé dans une autre dimension, celle où il y a des golfeurs bien sûr, mais aussi et surtout des clients et donc du business. Nous ne vendons pas un green-fee mais une expérience visiteur. C’est la clé des 3 phases que le GN a connu.
Quelles ont été ces phases ?
La 1ère entre 2014 et 2016 où il a fallu chambouler et secouer certaines habitudes, qui sans être mauvaises avaient besoin d’être dépoussiérées. Beaucoup de travail sur l’humain et les équipes. Et il fallait aussi pouvoir se positionner par rapport aux golfs aux alentours. Quand je travaillais chez UGolf (2008 à 2014), j’avais travaillé sur l’élaboration d’un questionnaire de 180 questions pour des clients mystère afin qu’ils nous jugent. Peu importe ce que pense la direction ou les équipes d’un golf, c’est ce que le client pense qui compte vraiment et qui m’intéresse. Si le client trouve que des points méritent d’être améliorés, à nous de répondre à son besoin ou sa remarque. C’est bon pour le marché !
En allant en Angleterre pour savoir s’il existait des solutions permettant de juger son golf, j’ai entendu parler de 59Club, une société gérant des clients mystère dans le monde du golf. Cette solution était déjà utilisée à Gleneagles et au Belfry (golfs ayant accueilli la Ryder Cup). J’ai trouvé intéressant qu’on puisse se faire contrôler et pertinent dans la démarche de changement de l’entreprise : on pouvait se donner l’objectif d’être aussi bon voire meilleur qu’eux en mettant notre entreprise à l’image de ces golfs.
Puis approche la Ryder Cup ?
Exactement, c’est la deuxième phase, 2016 à 2018. C’était captivant car j’étais le petit rouage entre le promoteur (Ryder Cup Europe), le propriétaire du terrain (FFGolf) et le golf à proprement dit qui continuait à tourner avec ses clients et son personnel. Sachant que tu ne peux pas dire non à tout le monde, tu dois donc savoir dire oui et trouver des solutions pour que tout le monde s’y retrouve. Un facilitateur en quelque sorte. Ce rôle bien que peu exposé était primordial.
Les équipes de Paul Armitage se plient en 4 pour préparer le parcours @Paulianarmitage @Reyes_golf @HNAOpendeFrance pic.twitter.com/UaaOypZ61h
— cara arnold (@ArnoldCara) June 20, 2018
La 3è phase, depuis 2018, a été de se questionner sur ce que je voulais faire ensuite. Le GN a changé depuis 2014 et ma fiche de mission aussi. Est-ce que je voulais être le directeur d’un équipement où tu peaufines des choses fonctionnant déjà plutôt bien ou est-ce que j’avais besoin de repartir sur un nouveau projet ? C’est cette dernière option que j’ai choisie.
Pendant cette dernière phase, tu as tout de même assisté à la rétrogradation de l’Open de France. Comment l’as tu vécu ?
Très bien. En étant dans le poste et en suivant l’histoire de l’intérieur, on le vit autrement. Après l’arrêt du partenariat d’Alstom, on a eu du mal à trouver un partenaire pour rester à une dotation aux environs des 3,5 à 4 millions d’euros. La FFGolf recherchait une solution et elle l’a trouvée. L’entreprise chinoise HNA avec la reprise de la licence de l’ODF via le tour Européen en lieu et place de la FFGolf. Une seule solution s’est présentée mais on l’a retenue car elle était bonne.
Malheureusement à aucun moment, ni l’ET, ni la FFGolf ne pouvaient imaginer que HNA n’irait pas au terme de leur contrat ni de leur envie d’organiser un Rolex Series. Nous étions donc impuissants face à une décision unilatérale et inattendue. Les différentes parties ont alors essayé d’obtenir le meilleur pour l’Open – comme toujours !
Au cours de ces années au Golf National, quel est ton principal regret ?
De ne pas avoir totalement réussi à optimiser nos forces avec le groupe Accor qui gère l’hôtel et la restauration. L’organisation entre les 2 entités va fatalement devoir évoluer : on ne peut avoir pendant 70 ans d’un côté le bail pour le Golf National et de l’autre, celui de l’hôtel. On met 100% de nos clients aux mains d’une autre entreprise qui délivre une prestation qui a progressé mais qui est détachée par rapport à notre culture.
La culture d’entreprise du groupe Accor est exceptionnelle (avec des milliers de salariés et d’hôtels dans le monde) mais notre statut et notre réputation sont devenues planétaires… Tu n’imagines pas le nombre de clients venant au golf, passant devant mon bureau sans passer par le bar. Cela doit interpeller le Novotel et le Golf National pour créer un lieu cozy.
Là où nous faisons cet entretien (salon VIP au-dessus du hall d’accueil – NDLR) serait un lieu parfait pour une zone de restauration avec une terrasse et une superbe vue sur le practice. Ce sont des projets que je laisse derrière moi dans un tiroir pour mon successeur. J’ai le regret de ne pas avoir réussi à convaincre pour créer un lieu ou le côté « wow » prime sur le côté « normal ».:-)
“il faut travailler le comportement du golfeur français vis-à-vis de sa consommation golfique”
Tes racines anglaises te donnent une culture golfique particulièrement intéressante pour la comparer à notre pays. As-tu l’impression qu’on progresse dans notre culture golfique en France?
En tant que directeur du GN et précédemment comme Directeur de la marque LeClub Golf chez UGolf, j’ai pu voyager dans le monde pour comparer les golfs. Les Etats-Unis et le Japon se ressemblent énormément par une tendance à uniformiser le produit “Golf” : c’est toujours très ressemblant, très normé, très standardisé. A l’inverse, les Anglais avec une normalisation moins présente ont une culture golfique quasi exclusive. Malgré la proximité entre les Américains et les Anglais par leur langue ou leurs relations spéciales, ils sont très éloignés dans leur vision du golf je trouve.
Que vous alliez golfer en France, au Danemark ou en Suède, vous vivrez des expériences golfiques différentes. Il n’y a pas d’intérêt à comparer notre culture golf car elle diffère des autres pays. Maintenant, pour vivre dans un marché difficile (avec une augmentation légère du nombre de licences), il faut travailler le comportement du golfeur français vis-à-vis de sa consommation golfique, il est là notre problème de culture. La France s’est engagée dans une culture du prix, dont nous – opérateurs de golfs – sommes responsables avec un golfeur français s’engouffrant dedans.
Concrètement ?
En Angleterre ou aux US, le golfeur est capable de faire la différence entre un parcours à 30$ et à 300$. En France, le client golfeur ne le sait pas ou plutôt ne veut pas le savoir. Je pense qu’il en a conscience mais qu’il profite du fait qu’on a besoin de l’attirer par une remise…
La FFGolf m’avait donné pour objectif de segmenter les prix en fonction des parcours (Aigle, Oiselet et Albatros). La mission n’a pas été très drôle à mener mais c’est un succès total du point de vue de l’image, des recettes et des situations économiques. On a beaucoup travaillé et œuvré pour rechercher les clients adaptés à nos différents types de prix.
Entre 2018 et 2019, on n’a pas fait beaucoup plus de green-fees mais le prix moyen et les recettes s’améliorent sur 2 parcours (l’Aigle et l’Albatros). Sur l’Aigle on travaille le yield (rendement) et le revenu management au profit du client mais aussi de la structure.
Pour l’Albatros, on a une ligne directrice : même si le parcours est vide, nous n’avons pas besoin de le “vendre” à moins cher – on brouille le message et sa réelle valeur !
En 2014, des joueurs payaient parfois un green-fee Albatros à 22€. Après l’augmentation du tarif, ils ont déserté puis peu à peu, ils ont commencé à revenir alors que le prix était 4 à 5 fois plus élevé. Certains sont venus me voir pour me dire qu’ils avaient compris ce que nous avions fait.
Si tu devais donner un conseil à ton successeur ?
De ne pas être tenté par une baisse du prix. Il faut continuer à professionnaliser notre métier car on tire les autres golfs avec nous. Entre 2014 et maintenant, l’Oiselet a vu son prix baisser, l’Aigle a légèrement augmenté et l’Albatros est à son vrai prix ! On est capable de baisser les prix en fonction de certaines situations. Mais il faut continuer sur ce chemin d’avoir une entrée de gamme, un milieu et un haut de gamme.
Justement à propos de l’Oiselet, on peut évoquer les changements à venir ?
L’Oiselet a beaucoup souffert en raison des différentes fermetures liées à la Ryder Cup. De surcroît, avec l’ouverture d’un centre de Haute Performance et d’un centre de Petit Jeu dans les prochaines années, le parcours 9 trous va être réduit à 6 ou 7 trous. Nous allons en profiter pour créer une nouvelle expérience sur l’Oiselet en “uberiserant” l’offre qui s’appellera Urba Golf.
C’est-à-dire ?
L’excellent entretien du GN et les investissements importants au niveau du practice (Top Tracer, tapis de practice propres et couverts ou des zones de chipping toujours propres) ont amené un certain nombre de personnes à venir en bénéficier sans avoir de lien direct avec le GN.
Rien n’est gratuit dans la vie comme nous le savons tous et c’est pour cela qu’on va créer Urba Golf. C’est un concept où les consommateurs pourront créer leur propre package : l’accès au parcours, à la zone de chipping, l’accès au practice (avec les seaux) ou encore du Top Tracer. Il y aura une tarification pour une personne ou pour une tribu, à la journée, au trimestre ou encore à l’année. Chacun y trouvera son compte. (Ouverture dernière semaine de mars 2020).
Passons à ton nouveau projet : le 59Club où tu vas devenir copropriétaire de 59Club Western Europe North Africa (WENA). Peux-tu nous présenter cette entreprise ?
59Club (59 comme le meilleur score réalisé lors d’un tournoi pro – NDLR) est une société créée en 2007 au Royaume-Uni qui réalise des benchmarking (études comparatives) en se concentrant sur les audits de clients mystère. Mandatée par 400 golfs en Angleterre (mais aussi aux USA, en Asie et dans le Moyen Orient), elle assure ainsi le suivi des clients mystère.
Le directeur récupèrera l’avis du client mystère (via 220 questions avec des réponses principalement sous la forme oui/non ou avec des notes) quelques jours après son passage. Le questionnaire s’appuyant sur plusieurs thèmes tels la réservation, l’arrivée sur site, les vestiaires, la boutique ou encore bien évidemment le parcours.
Sachant que le directeur du golf peut se comparer à plusieurs golfs (et à la moyenne globale de ce groupe de golfs) ou à des golfs positionnés sur le même tarif (de 0 à 40€, de 40 à 70€, de 70€ à 100€ et au delà de 100€).
Avec mon associé Sylvain Marcati (Directeur des Opérations), nous allons lancer ce service pour plusieurs pays dont la France, Belgique, Allemagne, Autriche, Maroc, Tunisie, Hollande, Suisse. Le lancement officiel est prévu fin Mars avec le passage des premiers clients mystère sachant que nous avons une trentaine de golfs déjà clients depuis le 1er Janvier.
Samedi 29 Février: Première formation d'une partie de nos testeurs 59club… Merci à nos testeurs pour leur participation active! pic.twitter.com/RqsRCNNLXp
— 59clubeurope (@59clubeurope) March 3, 2020
Les golfs français sont intéressés par cette solution ?
Oui, ils sont très demandeurs. L’industrie du golf en France a besoin de se professionnaliser. Vu de l’étranger, on est très sympas mais pour délivrer un produit d’excellence, il faut déjà connaître ses atouts, ses défauts et faire progresser les équipes pour adresser les problématiques. Notre outil le permettra facilement sachant qu’il n’est pas là pour sanctionner ou espionner mais pour accompagner et aider à être encore meilleur en résumé.
Dans l’idéal, notre objectif serait de toucher 1/4 des golfs (environ 150) d’ici 3 à 4 ans.
Y-a-t’il un type de golf ?
Non aucun. En Angleterre, nos clients proposent des green-fees allant de 25£ à 250£. En France, beaucoup de golfs sont détenus par des chaînes qui sont très réceptives. Elles connaissent la valeur de notre travail et de l’outil (d’autant qu’une telle solution coûte cher et est longue à développer en interne). On peut déjà vous annoncer qu’on va travailler avec Bluegreen et Ugolf dont un certain nombre de golfs seront testés.
Quoiqu’il arrive, notre objectif est bien entendu de créer une entreprise florissante mais nous avons des tarifs attractifs avec un objectif de win/win/win : gagnant pour le golf, gagnant pour le golfeur et gagnant pour 59Club. 🙂
À propos des clients mystère, en recherchez-vous ? Avez-vous un profil type ?
Oui, nous recherchons des clients mystère. Un bon client mystère à l’œil du détail, il aime regarder un peu partout autour de lui et il connaît les différentes gammes de golfs. On ne peut attendre la même chose entre l’Albatros et l’Oiselet. Il doit savoir apprécier tous les golfs et savoir quoi en attendre. Et pour finir, il doit savoir émettre des critiques constructives et prendre un peu de temps pour cette activité.
Ce sera donc ta seule activité désormais ?
Non ! Du Tout ! Je vais bien sûr veiller sur la réussite de 59Club WENA mais je ne souhaite pas travailler dedans à terme. Je quitte mes fonctions officiellement à la fin mars au GN. Et je prends de nouvelles fonctions à partir du 20 avril dans une structure formidable bien connu des golfeurs français. On en reparlera très vite ! 😉